En remplissant ∞-lecture, je suis retombée sur cette théorie dans La Mezzanine de Nicholson Baker :
Maintenant, et toujours dans l’hypothèse où mon enfance s’acheva à l’âge de vingt-trois ans, supposons que chaque jour de ma vie j’aie un nombre égal d’idées nouvelles. (Des qui n’avaient à être nouvelles que pour moi, des idées qui ne m’avaient pas effleuré auparavant, que d’autres les considérassent ou non comme dépassées ou banales ; et leur nombre exact n’avait pas d’importance – 1, 3, 35 ou 300 par jours, il dépendait de la finesse du tamis utilisé pour distinguer les nouveautés des redites et de ma propre estimation –, ce qui comptait, c’était qu’il fût constant.) Nous supposerons que toutes ces nouvelles idées, une fois survenues, ne se décomposèrent pas au-delà d’un certain point mais conservèrent une intégrité suffisante pour pouvoir être à tout instant rechargées dans la mémoire vive – même si l’évènement spécifique, ou la nouvelle idée qui me rappelleraient par la suite une idée précédente donnée ne devaient jamais se produire. Et disons que ma mémoire commença à fonctionner efficacement à l’âge de six ans. Sur la base de ces trois hypothèses simplificatrices, j’aurais donc emmagasinné dix-sept années (23 - 6 = 17) d’idées puériles avant d’être devenu adulte pendant ce trajet dans le métro pour me rendre au bureau. J’en tirai donc récemment la conclusion qu’il me suffisait de continuer à générer des idées nouvelles à la même cadence quotidienne jusqu’à l’âge de quarante ans (23 + 17 = 40) pour avoir enfin accumulé un capital d’idées d’adulte diverses et variées ayant plus de poids et de voix au chapitre que la totalité de mes idées précédentes – alors aurais-je atteint ma Majorité. Je n’avais jamais songé à l’existence d’un tel moment, mais il prit rapidement l’envergure d’un important objectif, qui miroitait devant mes yeux. C’est le moment où je comprendrai vraiment les choses ; où je ferai constamment du passé un usage sagace et tempéré ; où , quel que soit le sujet que je veuille considérer, je disposerai pour ce faire d’un éventail de données datant de mes vingt et de mes trente ans qui empêchera les petites voix flûtées susurrant, en leurs couleurs primaires, “quand j’avais huit ans”, ou “quand j’étais petit”, ou “quand j’étais en 6ᵉ”, de faire surface. C’en sera fini de la suprématie obligatoire. La maturité ! La maturité !1
Si j’applique la théorie sur mon setup, j’estime avoir fini mon enfance vers 25 ans et j’estime que ma mémoire connaît un fonctionnement efficace depuis mes 4 ans : j’ai alors 21 années d’idées puériles derrière moi. J’obtiendrai donc un nombre égal d’idées puériles et d’idées d’adulte à quarante-six ans.
Encore dix années de tranquilité avant d’avoir fini de grandir.
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La Mezzanine, BAKER Nicholson, Traduction d’Arlette Stroumza, Julliard, 10/18, “Domaine étranger”, N°2364, p. 83. ↩
La pelleteuse d’Alix
Ma pelleteuse
Alix a aussi peint des dinosaures, parce qu’I. est aussi fan