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N° 229 - La paresse & Duchamp

« On ne peut plus se permettre d’être un jeune homme qui ne fait rien. Qui est-ce qui ne travaille pas ? On ne peut pas vivre sans travail, c’est quelque chose d’affreux. Je me rappelle un livre qui s’appelait le Droit à la Paresse, ce droit n’existe plus. »

« Il est honteux que nous soyons encore obligés de travailler pour vivre, (…) être obligés de travailler pour exister, ça, c’est une infamie. »

Marcel Duchamp (ramassé dans Marcel Duchamp et le refus du travail)

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« (…) la paresse n’est pas simplement un « non-agir » ou un « agir minimum ». Elle est une prise de position par rapport aux conditions d’existence imposées par le capitalisme. Elle exprime d’abord un refus subjectif qui vise le travail (salarié) et tout comportement conforme à ce que la société capitaliste attend de l’individu.
Duchamp revendique ce refus de « toutes ces petites règles qui décident que vous n’aurez pas à manger si vous ne montrez pas des signes d’une activité ou d’une production, sous une forme ou une autre. » »

« L’action capitaliste, finalisée par la production de toujours plus d’argent, n’a pas uniquement des effets économiques. Elle nous équipe d’une perception et d’une sensibilité, puisque percevoir et sentir sont fonctions de l’action.
L’action paresseuse se situe aux antipodes de cette action pour laquelle la fin, à savoir l’argent, est tout et le processus n’est rien. Ce dernier n’existe pas, littéralement, s’il ne produit pas de l’argent. La paresse, au contraire est toute concentrée sur le processus, sur le devenir de la subjectivité et de sa puissance d’agir.
« Mode : l’état actif et non le résultat – l’état actif ne donnant aucun intérêt au résultat. »
« Mode : expérience – le résultat ne devant pas être gardé – ne présentant aucun intérêt. » »

Maurizio Lazzarato, Marcel Duchamp et le refus du travail

Avr 2015 - Lien du Post

N° 225 - Le refus du travail de Duchamp

« Déjà, au XIXème siècle, refuser le travail, c’est refuser la normalisation du temps de la vie toute entière, envahie depuis la naissance jusqu’à la mort, par la production. L’emploi du temps, qui, justement, constituera la véritable oeuvre d’art de Duchamp, est l’objet principal du contrôle et de la disciplinarisation capitaliste. Il faut que le temps soit porté sur le marché et, échangé contre un salaire, transformé en tempo de travail. Le grand refus de Duchamp concerne cette expropriation du temps. Pas même l’art n’a le droit d’occuper et de commander les différentes temporalités de la vie. »

« Pratiquer le refus du travail dans les conditions d’exploitation contemporaines, signifie inventer de nouvelles modalités de lutte et d’organisation à même non seulement de conserver les droits hérités de luttes historiques contre le travail salarié, mais aussi et surtout, d’imposer de nouveaux droits adaptés aux nouvelles modalités d’exploitation du temps en construisant des formes de solidarités capables d’empêcher l’expropriation des savoirs et des savoir-faire et ainsi éviter que les modalités de production ne soient dictées par les nécessités de valorisation financière à laquelle n’échappent ni l’art ni les industries culturelles.
C’est à cette condition seulement que l’on pourra renouer avec la radicalité, l’impertinence, le désir de rupture qui semblent avoir été perdus ici comme ailleurs. »

Maurizio Lazzarato, Marcel Duchamp et le refus du travail

Avr 2015 - Lien du Post