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P-Quod |
02 · Agencement
« Captain Penderton was also something of a savant. During the years when he was a young Lieutenant and a bachelor he had had much opportunity to read, as his fellow officers tended to avoid his room in the bachelors’ quarters or else to visit him in pairs or groups. His head was filled with statistics and information of scholarly exactitude. For instance, he could describe in detail the curious digestive apparatus of a lobster or the life history of a trilobite. He spoke and wrote three languages gracefully. He knew something of astronomy and had read much poetry. But in spite of his knowledge of many separate facts, the Captain never in his life had had an idea in his head. For the formation of an idea involves the fusion of two or more known facts. And this the Captain had not the courage to do. »
« Mêlant écrits publics et écrits privés, l’acte de coucher sur le papier lui [Thomas Hirschhorn] permet de fixer ses propres questionnements sur l’art, ainsi que de répondre aux interrogations des acteurs de l’art, des institutions, des circonstances. La fixation ne pétrifie pas pour autant, elle marque au contraire les étapes d’un cheminement de pensée, le rythme de ses modifications. Elle est considérée comme dynamique. C’est, dit Thomas Hirschhorn, « à partir du moment où on est fixé qu’on peut créer une dynamique », et cela concerne autant la forme artistique que la forme textuelle. »
« Jean-Luc Nancy proposait dernièrement de contrevenir au rythme incessant des constructions/destructions/déconstructions et de considérer, en faveur d’une communue pensée, la ou les structions, c’est-à-dire ce qui est in-construit, sans architecture, en déplacement, disloqué. On supprime les préfixes. Ni « avec », ni « sans ». Renvoyant à son étymologie latine, la struction est de l’ordre de l’amas, du tas, de l’entassement, et suppose l’assemblage. La struction permet d’ouvrir un espace dans lequel la pensée peut tisser des trajets en dissolvant les antinomies constitutives. Un espace de tissage, mêlant les lignes de force et les lignes de fuite, qui renvoie au texte, dans son originarité de tissu, mettant en suspens les conventions et les choses sues, pour les réinterroger à la faveur de leur mise en relation dans l’espace réel. »
Introduction par Sally Bonn à Une volonté de faire de Thomas Hirschhorn
« Nous observons, en général, des choses, mais ces choses ne sont rien d’autre que les stations d’un processus quelconque. Les choses sont des abstractions créées par notre mémoire, abstractions retenues de la séquence du processus. »
In 1692 an artist known only as “A. Boogert” sat down to write a book in Dutch about mixing watercolors. Not only would he begin the book with a bit about the use of color in painting, but would go on to explain how to create certain hues and change the tone by adding one, two, or three parts of water. The premise sounds simple enough, but the final product is almost unfathomable in its detail and scope.
« Ecoutez bien, ne toussez pas et essayez de comprendr eun peu. C’est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c’est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant et c’est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle. »
« Évidence : les poussières tombent. Comme tout le reste. A la différence de tout le reste, les poussières tombent lentement. Très lentement on le sait et elles tombent d’autant plus lentement qu’elles sont plus petites. De taille micrométrique, soumises au hasard des collisions permanentes avec les molécules de l’air, elles errent longtemps avant que le poids par son action constante ne finisse par les projeter sur une table, un livre, le sol. Une projection de l’espace à trois dimensions sur une surface à deux dimensions après une marche erratique dans l’air. Immédiatement de la physique statistique avec notamment un modèle célèbre connu sous le nom de marche de l’ivrogne (ou marche aléatoire…). »
Moyra Davey « You’re a nice guy to let me hold you like this », exposition à greengrassi.
Dossier de presse:
greengrassi is pleased to announce Moyra Davey’s second solo exhibition at the gallery. The artist will present three ‘mailer’ pieces, one comprising 90 elements. For these methodical projects, Davey folds c-prints, addresses them and sends them by post to friends, family and collaborators around the world. The show will also include her new 28-minute film Notes on Blue (2015) commissioned by The Walker Art Center in Minneapolis. Braiding together disparate observations and personal accounts, Notes on Blue is an episodic meditation on blindness, color, and the life and work of British filmmaker, gardener and political activist Derek Jarman (1942–1994).
Moyra Davey was born in Canada in 1958 and currently lives and works in New York. Recent solo shows include MUMOK, Vienna; ICA, Philadelphia; Camden Art Centre (2014); Tate, Liverpool; Presentation House Gallery, Vancouver (2013) and Kunsthalle, Basel (2010). Her works were recently featured in ‘Photo Poetics’ at Kunsthalle, Berlin; ‘Take One: Contemporary Photographs’ at Philadelphia Museum of Art, Philadelphia (2015); ‘CODEX’ at CCA Wattis Institute for Contemporary Art, San Francisco (2014); ‘Minimal Resistance’ at Museo Reina Sofia, Madrid; ‘L’image papillon’ at MUDAM, Luxembourg (2013); XXX Bienal de Sao Paulo, Sao Paulo; Whitney Biennial, New York (2012) and ‘New Photography 2011’ at MoMA, New York (2011), among others. She was part of the collective that started the New York artist-run gallery Orchard (2005-2008). Davey is a 2004–2005 recipient of an Anonymous Was a Woman Award.
« Si Duchamp refuse l’injonction à être artiste – il se définit comme un « défroqué de l’art » – , il n’abandonne pas pour autant les pratiques, les protocoles, les procédures artistiques. L' »anartiste » demande un redéploiement des fonctions et des dispositifs artistiques. Il s’agit d’un positionnement subtil, incarné par un refus qui ne s’installe ni à l’extérieur, ni à l’intérieur de l’institution « art », mais à sa limite, à ses frontières, et qui, à partir de celles-ci, essaie de déplacer l’opposition dialectique art / anti-art. »
« Au possible découvert grâce au Moulin à café, Duchamp donne aussi un autre nom : « l’inframince ». L’inframince est la dimension du moléculaire, des petites perceptions, des différences infinitésimales, de la co-intelligence des contraires, au sein de laquelle les lois de la dimension macro et notamment celles de la causalité, de la logique de la non-contradiction, du langage et de ses généralisations, du temps chronologique, ne valent pas. C’est dans l’inframince que le devenir a lieu, c’est au niveau micro que se font les changements. « Le possible implique le devenir – le passage de l’un à l’autre a lieu dans l’inframince. »
Et pour avoir accès à cette dimension, la condition est toujours la même – inventer une autre manière de vivre : « l’habitant de l’inframince fainéant. » »
Maurizio Lazzarato, Marcel Duchamp et le refus du travail
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« J’ai peur du mot création. Au sens social, ordinaire, du mot, la création, c’est très gentil, mais au fond, je ne crois pas à la fonction créatrice de l’artiste. »
Marcel Duchamp(ramassé dans Marcel Duchamp et le refus du travail)
« Un personnage que je rencontre ne créera pas automatiquement un personnage dans mon livre, mais créera peut-être un paysage dans mon livre, de même qu’un paysage entrevu fera… créera peut-être un personnage. C’est un espèce de mélange anthropomorphe, les sons produisent des couleurs, les couleurs ont produit des formes, les formes ont produit des sons… C’est une espèce de pandémonium qui n’est pas encore coagulé et qui doit être semblable j’imagine à ce qui se passe dans la chrysalide du papillon un peu avant que le papillon sorte. »
“C’est pas du théâtre, c’est pas du rock, c’est pas de la musique, c’est pas les lettres, c’est pas du cinéma, c’est pas les arts plastiques, c’est pas les arts du cirque, c’est pas l’art vidéo, c’est pas les arts de la scène, c’est pas une chorégraphie, c’est pas de la performance, c’est pas du dessin, c’est pas un récital, c’est pas les comédiens, c’est pas une exposition, c’est pas des projections C’est quoi? c’est pas tout ça à la fois C’est quoi?”
Jérôme GAME, Ce que l’Art contemporain fait à la Littérature
« Qu’est-ce qu’un agencement ? C’est une multiplicité qui comporte beaucoup de termes hétérogènes, et qui établit des liaisons, des relations entre eux, à travers des âges, des sexes, des règnes ‒ des natures différentes. Aussi la seule unité de l’agencement est de co-fonctionnement : c’est une symbiose, une “sympathie”. Ce qui est important, ce ne sont jamais les filiations, mais les alliances et les mariages ; ce ne sont pas les hérédités mais les contagions, les épidémies, les vents. »
« Ma bibliothèque n’a pas de catalogue ; ayant rangé moi-même les livres sur les étagères, je revois en général leur emplacement si je me remémore le plan de la bibliothèque et les zones de lumière et d’ombre n’entravent guère cette exploration. L’ordre remémoré suit un schéma dans mon esprit, la forme et les divisions de la bibliothèque, un peu à la façon dont un observateur des étoiles réunit en figures narratives les minuscules points lumineux ; mais, à son tour, la bibliothèque reflète la configuration de mon esprit, son lointain astronome. »
« Carroll avait observé que la majorité sinon la totalité des livres partent d’un argument préalable auquel l’écrivain ajoute ensuite les détails ; il résolut d’inverser le procédé et de noter les épisodes que ses journées et ses rêves lui proposaient et de les ordonner ensuite. Il consacra dix longues années à forger ces éléments hétérogènes dont l’ensemble lui donna, dit-il, une claire et accablante notion de ce que représente le mot chaos. C’est à peine s’il voulut intervenir dans son œuvre en ajoutant quelques phrases requises par la nécessité de lier le tout. Noircir un nombre déterminé de pages avec un sujet et des développements, cela lui semblait une servitude à laquelle il n’avait pas à se soumettre, puisqu’il n’attachait d’importance ni à la renommée ni à l’argent. »
Docteur : C’est difficile, je suis un nouveau moi, rien ne fonctionne mais il y a un détail qui m’échappe… quelque chose que l’on distingue à peine… du coin de l’œil.
[…]
Policière : Je ne vois rien mais…
Docteur : Et du coin de l’œil ?
Policière (effrayée) : C’est quoi ?
Docteur: N’essayez pas de le voir, s’il sait que vous l’avez vu, il vous tuera. Ne le regardez pas. Surtout ne le regardez pas !
La Nuit sera belle est la dernière cristallisation de cet échafaudage, qui s’est transformé en roman à part entière aux éditions Actes Sud. On y parle entre autres de pêche, de pages blanches, de quête, de mouettes ou de goélands, de monolithe, de poisson-lune, de cuisine et même de dragons. Il sort le 5 avril 2017.
Le mot de l’éditeur :
Arek, Ivan, Todd C. Douglas : trois amis, toute une nuit, dans un appartement en forme de pagode inversée. Demain, c’est sûr, ils partent enfin en expédition. Quelque part — la destination ne semble pas encore bien arrêtée. En attendant, ils boivent du thé, de la bière, du vin et du whisky mais chaque chose en son temps. Ils tentent d’échapper au but à tout prix. Ils font beaucoup plus que ce qu’ils croient et beaucoup moins que ce qu’ils disent. Mais qu’est-ce que « faire » ? Et qu’est-ce que l’oisiveté (à ne surtout pas confondre avec la paresse) ? Comment trouver le temps et l’espace pour faire sans produire, ou pour chercher sans faire ? Comment se fait-il que l’on ne puisse pas vivre sans que le travail devienne la vie ? Une recherche sans certitude de trouver, est-ce un travail ? Tels sont les thèmes abordés au fil d’une nuit de contagieuse ivresse dans ce premier roman aussi profond que jubilatoire.
J’ai un héron sur le mur.
Son nom est rouge
sur le jaune moche d’un Post-it.
Au-dessus du bureau,
ils sont pleins, les Post-it.
Mosaïque de carrés jaunes
sur fond blanc.
Format idéal ̶ 10 x 10.
Pas le temps d’être trop long.
Important : ne pas s’étaler.
Sur le Post-it, on filtre les mots.
Ne restent que ceux juste assez entrebâillés
pour ne pas laisser entrer n’importe quoi.
Les phrases sont trop dangereuses.
Le mur répertorie les pensées.
Grand garde-manger.
On y voit tous les ingrédients en même temps.
Les Post-it se connectent et les recettes apparaissent.
Petit à petit.
Boîte à outils.
Les petits rouages des lettres s’emboîtent.
Leurs mécaniques meublent l’espace blanc.
Celui qui noue la gorge quand on y perd les yeux.
Quand il y a quelque chose à faire
mais que les doigts collent
ou que la paresse est de trop bonne humeur
ce jour-là.
J’ai un héron sur le mur.
Tout seul.
Pas d’emplacement dans le puzzle.
Les dents de son engrenage n’accrochent pas.
Il hypnotise en roue libre,
sa révolution ne mène à rien.
Je l’ai collé sur le mur
pour qu’il arrête de me coller à la pensée.
Ça n’a fait que déplacer le problème.
Mais maintenant,
il me regarde dans les yeux.
J’ai un héron sur le mur,
il parasite le reste.
Il fait son intéressant
de toute sa hauteur d’échassier.
Il sait, lui, pourquoi il est ici.
Il connaît le secret,
il voit la chaîne de pensées à venir.
Le chemin vers lui
qui n’existe pas encore.
Arrivé en avance.
Il a grillé son tour.
Il n’était pas écrit
dans le plan de départ.
Il pourrait tout détraquer.
Ouvrir un autre chemin,
bien plus loin que prévu.
On ne sait jamais jusqu’où volent les hérons.
J’ai un héron sur le mur,
il ne bouge pas plus qu’un vrai.
Planté là.
Dans les champs aussi
Les hérons ont toujours l’air empaillés.
Ils font semblant de ne pas exister.
Guettent d’un air de rien,
depuis tout le dédain de leur tranquillité.
Gris clair sur cours d’eau boueux,
le héron se prend
pour un pli du paysage.
Pas plus épais qu’une parenthèse.
Ne ressort que le cure-dent de son bec.
Ne bouge pas.
Pas même d’un frémissement
de brise trop fraîche
sous le duvet.
Et soudain,
il se tend,
claque le cou,
projette la tête,
plonge,
plonge le bec,
il éperonne le poisson.
Sur mon mur,
le héron chuchote.
Utilise ton bec,
il me dit le héron.
Fais la flèche.
Pique, pique,
il me dit.
Observe ̶ et attends.
Laisse approcher
la pensée.
Fais-toi oublier.
Les mots doivent être ferrés
frais et vifs.
J’ai un héron sur le mur.
Il se fout de moi,
trop émoussée.
Je n’attrape rien.
Du héron,
je n’ai pêché que le stoïcisme.
Mon stoïcisme à moi
est d’une autre espèce,
aux racines bovines.
Il regarde passer les idées
comme la vache suit du regard
les trains.
J’ai un héron sur le mur,
depuis maintenant des mois.
Je le contemple en ruminant béatement
quelques touffes de Post-it
digérées et régurgitées
au moins trois estomacs de cela.
Ça s’amorce, Ça s’amorce derrière l’oreille. Ça s’amorce, Ça se fera tout seul. Rien précipiter. Ne rien chercher. Laisser venir. Il ne faut pas que la langue se crispe, il ne faut pas que la langue se crispe, derrière les dents. Où ça s’irrite. Ça brûle et ça enfle et ça prend tout l’espace dont on avait besoin. La laisser souple, la langue, la laisser souple. Laisser siffler l’espace, laisser siffler l’espace entre, entre les dents de devant. Sans début et sans fin. Entre. Le Milieu. L’entre-deux. De la tranche, de la couche, fractionnable, infiniment. Kaléidoscope de cils humides entrouverts, l’entre-deux paupières. Le vide qui dessine les sympathies, la cerne qui frôle le contour, laisser affleurer, laisser l’amorphe gonfler, les possibles lever. La pâte ne se brusque pas. Ronronnement derrière de son, interstice de strates, annulation de sinusoïdes. Tempo battant. Tempo battant. Sous les frênes, sans les frênes, sous les frênes, entre les branches, poils de chatons dans les cheveux, boules de gratons en bas du jean. Le petit bruit du sable quand la tête est sous l’eau. Reflet du fond de piscine. Ça s’irise et ça moire. Ne pas fixer les reflets, jamais, jamais dans les yeux. Laisser filer l’écho, laisser filer, l’écho qui sans vide meurt,
l’écho qui ne naît que dans le creux, quand on passe du concave au convexe. Ça s’emboîte, sans dessiner. Il faut laisser saliver, Laisser passer les murmures, les murmures entre les choses, les murmures d’entre les mots. L’obsession du vent : le vent se glisse entre, il siffle le vide, il siffle, s’il est assez léger. Le vent est infini, l’infini des possibles, refuser le choix, le refuser, ne pas faire, pour laisser entrevoir tout ce qui pourrait être fait. Préférer ne pas, bien sûr, l’ennui n’existe que chez ceux qui voudraient faire ou avoir fait. La misère pousse en rhizome, c’est une mauvaise herbe aux toutes petites fleurs rouges qui ne prolifère que si l’on en bouture le bon bout. Les mailles du réseau ne se dessinent que grâce à l’existence des trous du filet. Pas de trous, pas de mailles. Essaimer, laisser contaminer, imprégner influer. Laisser la bouteille pour en récolter la lie, mi fluide mi solide. Ne pas entraver le flux, le flux de rien qui filtre entre les pores. Les pores de la peau. La porosité, le trou de l’éponge, le coin de l’œil, celui qui voit l’espace-entre, le trois-quarts dos. L’angle mort du derrière de la tête. Le laisser cohabiter, l’espace-entre, ne pas le corrompre, ne pas le tordre, ne pas le mordre, ne pas le toucher. L’espace-entre suffit. L’entre-temps de l’espace-entre. L’entre-temps de la suspension sans point.