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N° 644 - Moyra Davey

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Moyra Davey
« You’re a nice guy to let me hold you like this »,
exposition à greengrassi.

Dossier de presse:

greengrassi is pleased to announce Moyra Davey’s second solo exhibition at the gallery. The artist will present three ‘mailer’ pieces, one comprising 90 elements. For these methodical projects, Davey folds c-prints, addresses them and sends them by post to friends, family and collaborators around the world. The show will also include her new 28-minute film Notes on Blue (2015) commissioned by The Walker Art Center in Minneapolis. Braiding together disparate observations and personal accounts, Notes on Blue is an episodic meditation on blindness, color, and the life and work of British filmmaker, gardener and political activist Derek Jarman (1942–1994).

Moyra Davey was born in Canada in 1958 and currently lives and works in New York. Recent solo shows include MUMOK, Vienna; ICA, Philadelphia; Camden Art Centre (2014); Tate, Liverpool; Presentation House Gallery, Vancouver (2013) and Kunsthalle, Basel (2010). Her works were recently featured in ‘Photo Poetics’ at Kunsthalle, Berlin; ‘Take One: Contemporary Photographs’ at Philadelphia Museum of Art, Philadelphia (2015); ‘CODEX’ at CCA Wattis Institute for Contemporary Art, San Francisco (2014); ‘Minimal Resistance’ at Museo Reina Sofia, Madrid; ‘L’image papillon’ at MUDAM, Luxembourg (2013); XXX Bienal de Sao Paulo, Sao Paulo; Whitney Biennial, New York (2012) and ‘New Photography 2011’ at MoMA, New York (2011), among others. She was part of the collective that started the New York artist-run gallery Orchard (2005-2008). Davey is a 2004–2005 recipient of an Anonymous Was a Woman Award.

Oct 2015 - Lien du Post

N° 669 - Le Héron sur le Post-it

Dimension(s) : 01 · Cheminement, 02 · Agencement

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J’ai un héron sur le mur.
Son nom est rouge
sur le jaune moche d’un Post-it.
 
Au-dessus du bureau,
ils sont pleins, les Post-it.
Mosaïque de carrés jaunes
sur fond blanc.
 
Format idéal  ̶  10 x 10.
Pas le temps d’être trop long.
Important : ne pas s’étaler.
Sur le Post-it, on filtre les mots.
Ne restent que ceux juste assez entrebâillés
pour ne pas laisser entrer n’importe quoi.
Les phrases sont trop dangereuses.
 
Le mur répertorie les pensées.
Grand garde-manger.
On y voit tous les ingrédients en même temps.
Les Post-it se connectent et les recettes apparaissent.
Petit à petit.
 
Boîte à outils.
Les petits rouages des lettres s’emboîtent.
Leurs mécaniques meublent l’espace blanc.
Celui qui noue la gorge quand on y perd les yeux.
Quand il y a quelque chose à faire
mais que les doigts collent
ou que la paresse est de trop bonne humeur
ce jour-là.
 
J’ai un héron sur le mur.
Tout seul.
Pas d’emplacement dans le puzzle.
Les dents de son engrenage n’accrochent pas.
Il hypnotise en roue libre,
sa révolution ne mène à rien.
Je l’ai collé sur le mur
pour qu’il arrête de me coller à la pensée.
Ça n’a fait que déplacer le problème.
Mais maintenant,
il me regarde dans les yeux.
J’ai un héron sur le mur,
il parasite le reste.
Il fait son intéressant
de toute sa hauteur d’échassier.
Il sait, lui, pourquoi il est ici.
Il connaît le secret,
il voit la chaîne de pensées à venir.
Le chemin vers lui
qui n’existe pas encore.
 
Arrivé en avance.
Il a grillé son tour.
Il n’était pas écrit
dans le plan de départ.
Il pourrait tout détraquer.
Ouvrir un autre chemin,
bien plus loin que prévu.
On ne sait jamais jusqu’où volent les hérons.
 
J’ai un héron sur le mur,
il ne bouge pas plus qu’un vrai.
Planté là.
Dans les champs aussi
Les hérons ont toujours l’air empaillés.
Ils font semblant de ne pas exister.
Guettent d’un air de rien,
depuis tout le dédain de leur tranquillité.
Gris clair sur cours d’eau boueux,
le héron se prend
pour un pli du paysage.
Pas plus épais qu’une parenthèse.
Ne ressort que le cure-dent de son bec.
Ne bouge pas.
Pas même d’un frémissement
de brise trop fraîche
sous le duvet.
 
Et soudain,
il se tend,
claque le cou,
projette la tête,
plonge,
plonge le bec,
 
 
il éperonne le poisson.
 
Sur mon mur,
le héron chuchote.
Utilise ton bec,
il me dit le héron.
Fais la flèche.
Pique, pique,
il me dit.
Observe  ̶  et attends.
Laisse approcher
la pensée.
Fais-toi oublier.
Les mots doivent être ferrés
frais et vifs.
J’ai un héron sur le mur.
Il se fout de moi,
trop émoussée.
Je n’attrape rien.
Du héron,
je n’ai pêché que le stoïcisme.
 
Mon stoïcisme à moi
est d’une autre espèce,
aux racines bovines.
Il regarde passer les idées
comme la vache suit du regard
les trains.
J’ai un héron sur le mur,
depuis maintenant des mois.
 
Je le contemple en ruminant béatement
quelques touffes de Post-it
digérées et régurgitées
au moins trois estomacs de cela.

Oct 2015 - Lien du post