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N° 229 - La paresse & Duchamp

« On ne peut plus se permettre d’être un jeune homme qui ne fait rien. Qui est-ce qui ne travaille pas ? On ne peut pas vivre sans travail, c’est quelque chose d’affreux. Je me rappelle un livre qui s’appelait le Droit à la Paresse, ce droit n’existe plus. »

« Il est honteux que nous soyons encore obligés de travailler pour vivre, (…) être obligés de travailler pour exister, ça, c’est une infamie. »

Marcel Duchamp (ramassé dans Marcel Duchamp et le refus du travail)

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« (…) la paresse n’est pas simplement un « non-agir » ou un « agir minimum ». Elle est une prise de position par rapport aux conditions d’existence imposées par le capitalisme. Elle exprime d’abord un refus subjectif qui vise le travail (salarié) et tout comportement conforme à ce que la société capitaliste attend de l’individu.
Duchamp revendique ce refus de « toutes ces petites règles qui décident que vous n’aurez pas à manger si vous ne montrez pas des signes d’une activité ou d’une production, sous une forme ou une autre. » »

« L’action capitaliste, finalisée par la production de toujours plus d’argent, n’a pas uniquement des effets économiques. Elle nous équipe d’une perception et d’une sensibilité, puisque percevoir et sentir sont fonctions de l’action.
L’action paresseuse se situe aux antipodes de cette action pour laquelle la fin, à savoir l’argent, est tout et le processus n’est rien. Ce dernier n’existe pas, littéralement, s’il ne produit pas de l’argent. La paresse, au contraire est toute concentrée sur le processus, sur le devenir de la subjectivité et de sa puissance d’agir.
« Mode : l’état actif et non le résultat – l’état actif ne donnant aucun intérêt au résultat. »
« Mode : expérience – le résultat ne devant pas être gardé – ne présentant aucun intérêt. » »

Maurizio Lazzarato, Marcel Duchamp et le refus du travail

Avr 2015 - Lien du Post

N° 197 - Suis-je un paresseux ?

Dimension(s) : 04 · Travail & Oisiveté

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« J’ai vécu jusqu’à ces jours derniers avec l’idée qu’il fallait faire quelque chose dans la vie et plus précisément que, pauvre, il fallait gagner sa vie, avoir une situation, s’installer. Et il faut croire que cette idée, que je n’ose encore appeler préjugé, était bien enracinée en moi, puisqu’elle durait malgré mes ironies et mes paroles définitives à ce sujet. Et là, une fois nommé à Bel-Abbès, devant ce qu’avait de définitif une semblable installation, tout a soudain reflué. Je me suis refusé à cela, comptant pour rien sans doute ma sécurité au regard de mes chances de vraie vie. J’ai reculé devant le morne et l’engourdissant de cette existence. Si j’avais dépassé les premiers jours j’aurais certainement consenti. Mais là était le danger. J’ai eu peur, peur de la solitude et du définitif. D’avoir rejeté cette vie, de m’être fermé tout ce qu’on appelle « l’avenir », de rester encore dans l’incertitude et la pauvreté, je ne saurais pas dire aujourd’hui si ce fut force ou faiblesse. Mais je sais du moins que, si conflit il y a, c’est pour quelque chose qui en valait la peine. À moins qu’à bien voir… Non. Ce qui m’a fait fuir, c’était sans doute moins de me sentir installé que de me sentir installé dans quelque chose de laid.

Maintenant, suis-je capable de ce que les autres appellent le « sérieux » ? Suis-je un paresseux ? Je ne crois pas et je m’en suis donné des preuves. Mais a-t-on le droit de refuser la peine sous prétexte qu’elle ne vous plaît pas? Je pense que l’oisiveté ne désagrège que ceux qui manquent de tempérament. Et si j’en manquais, il ne me resterait qu’une solution. »

Albert Camus, Carnets I – Mai 1935 / février 1942

Sep 2012 - Lien du Post

N° 161 - Ce n’est pas de la paresse

Dimension(s) : 04 · Travail & Oisiveté

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« Regardons les choses en face : j’étais un enfant qui détestait accomplir sa part de corvées. J’essayais de garder la plus grande distance entre moi et le travail. Je ne crois pas avoir été paresseux, vu que je faisais beaucoup d’autres choses, mais c’était toujours des choses que j’avais envie de faire, et je m’efforçais de ne pas transiger sur mes valeurs. »

Richard Brautigan, Mémoires sauvées du vent.

Juil 2011 - Lien du Post

N° 610 - Le Fainéant

Dimension(s) : 04 · Travail & Oisiveté

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10_VanGogh

« Puis il y a l’autre fainéant, le fainéant bien malgré lui, qui est rongé intérieurement par un grand désir d’action, qui ne fait rien, parce qu’il est dans l’impossibilité de rien faire, puisqu’il est comme en prison dans quelque chose, parce qu’il n’a pas ce qui lui faudrait pour être productif, parce que la fatalité des circonstances le réduit à ce point, un tel ne sait pas toujours lui-même ce qu’il pourrait faire, mais il sent par instinct : pourtant je suis bon à quelque chose, je me sens une raison d’être! Je sens que je pourrais être un tout autre homme! À quoi donc pourrais-je être utile, à quoi pourrais-je servir! Il y a quelque chose au dedans de moi, qu’est-ce que c’est donc ? »

Vincent VAN GOGH, Lettres à son frère Théo.

Juin 2011 - Lien du Post