« Chaque année, les nuits s'assombrissaient imperceptiblement. Un soit d'août, on sort de la maison pour faire une chose ou une autre, et on découvre soudain qu'il fait nuit noire. Un grand silence chaud et sombre enveloppe la maison. L'été est encore là, mais il ne vit plus, il s'est arrêté sans flétrir, mais l'automne n'est pas encore prêt à arriver. Il n'y a pas d'étoiles, il n'y a que la nuit. Alors on sort de la cave le bidon de pétrole, on le met dans l'entrée, et on accroche la lampe de poche à son clou près de la porte. »
            
             X · 545 · Le Livre d'un été, Tove Jansson
            
                            Traduction de Jeanne Gauffin, Paris, Librairie Générale Française, 2014, "Le Livre de Poche", p. 161.
                        
         
        
     
    
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            « C'était une nuit extraordinaire.
Il y avait eu du vent, il avait cessé, et les étoiles avaient éclaté comme de l'herbe. Elles étaient en touffes avec des racines d'or, épanouies, enfoncées dans les ténèbes et qui soulevaient des mottes luisantes de nuit.
Jourdan ne pouvait pas dormir. Il se tournait, se retournait.
"Il fait un clair de toute beauté", se disait-il.
Il n'avait jamais vu ça.
Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d'osier. Ça n'était pas le vent. C'était tout simplement le ciel qui descendait jusqu'à toucher la terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs. »
            
             X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono
            
                            Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 9.
                        
         
        
     
    
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            « Il y avait tant de lumière qu'on voyait le monde dans sa vraie vérité, non plus décharné de jours mais engraissé d'ombre et d'une couleur bien plus fine. L'œil s'en réjouissait. L'apparence des choses n'était plus de cruauté mais tout racontait une histoire, tout parlait doucement aux sens. La forêt là-bas était couchée dans le tiède des combes comme une grosse pintade aux plumes luisantes. »
            
             X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono
            
                            Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 11.
                        
         
        
     
    
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            « Il avait neigé puis gelé pendant la nuit. Tout le pays était cristallin comme du beau verre. On entendait marcher la chaleur légère du soleil. Les branches craquaient, les herbes se penchaient, se déshabillaient de glace et se relevaient vertes. »
            
             X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono
            
                            Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 41.
                        
         
        
     
    
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            « C'était le grand gel. Pendant la nuit, le vent du nord était venu. Il avait soufflé tout doucement, sans violence, à peine comme un homme qui respire. Mais sa force était dans le froid. Il avait déblayé le ciel. Il avait verni la neige. Il avait séché la dernière sève aux fentes des écorces. Il avait fait que la forêt était maintenant comme un grand bloc. Il avait verrouillé la terre. Il avait usé le ciel toute la nuit avec du froid, du froid et du froid, toujours neuf, toujours bien mordant, comme un qui luire le fond d'un chaudron à la paille de fer, et que maintenant le ciel était si pur et si glissant que le soleil n'osait presque pas bouger. »
            
             X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono
            
                            Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 67.
                        
         
        
     
    
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            « Le samedi : le vent s'était mis à bouillir. C'était un vent tout jeune. Il emportait des nuages, des poussières, du soleil, de l'ombre, du froid et du chaud tous ensemble, comme dans un sac. Puis tout d'un coup il laissait tomber tout ça sur la terre et alors, tout ça libéré se remettait donc à sa place et on était ravi de voir bouger la jeunesse et la vigueur du printemps. »
            
             X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono
            
                            Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 112.
                        
         
        
     
    
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            « It was purple dusk, that sweet tune when the day's sleeping is over, and the evening of pleasure and conversation has not begun. The pine trees were very black against the sky, and all objects on the ground were obscured with dark; but the sky was as mournfully black as a memory. »
            
             X · 514 · Tortilla Flat, John Steinbeck
            
                            P. 19                        
         
        
     
    
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            « Vers le soir, comme elles traversent par clarté nordique le Hoburgbank, haut-fond dans les parages sud de Gotland, et se jettent dans un vaste champ de méduses qui freinent la vitesse et qui semblent suivre le bateau quand elles tentent un évitement par tribord, il semble aux femmes silencieuses, mais à moi aussi qui les confine dans le silence, qu'il y aurait au-dessus de l'eau un son qui s'enflie et retombe, qu'un chant sans paroles s'effectue qui n'a de début ni de fin, comme si des millions de méduses à oreilles – sinon elles, qui ? – étaient soudain en voix dans l'eau peu profonde ou bien, par une volonté supérieure, incitées à chanter. »
            
             IX · 425 · La Ratte, Günter Grass
            
                            Traduction de Jean Amsler, Paris : 1987, Le Seuil, "Points", N°R355, p. 227.
                        
         
        
     
    
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            « La vague me sépara du monde, des oiseaux dans le ciel, des enfants sur la plage, de ma mère sur la rive. Il y eut un moment de silence vert. Puis la vague me rendit au ciel, au sable, aux enfants braillards. Je sortis du lac et le monde m'attendait, ayant à peine bougé depuis que je l'avais quitté. »
            
             IX · 406 · Le Pays d'octobre, Ray Bradbury
            
                            Traduction de Doringe, Paris : 1957, Denoël, "Présence du futur", N°20, p. 117.
                        
         
        
     
    
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