N° 406 · Carnet IX
Le Pays d'octobre
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Première publication : 1943 · 1954
Lu du
07/06/2018 au 13/06/2018, à Rennes, Port-Marly, Rennes
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« Là, devant eux, se trouvait le plus grand fabriquant et fournisseur de silences au monde : qu'on en indique un, il pouvait le procurer sans délai, enveloppé et ficelé, complet, inclus les raclements de gorge et les murmures. Les silences embarrassés, peinés, calmes, sereins, complices, indifférents, bénis, les silences qui sont d'or et ceux qui sont nerveux. »
Traduction de Doringe, Paris : 1957, Denoël, "Présence du futur", N°20, p. 69.
« La vague me sépara du monde, des oiseaux dans le ciel, des enfants sur la plage, de ma mère sur la rive. Il y eut un moment de silence vert. Puis la vague me rendit au ciel, au sable, aux enfants braillards. Je sortis du lac et le monde m'attendait, ayant à peine bougé depuis que je l'avais quitté. »
Traduction de Doringe, Paris : 1957, Denoël, "Présence du futur", N°20, p. 117.
« Je n'avais que douze ans, mais je sais combien je l'aimais. De cet amour qui vient avant que le corps ou la morale aient une signification. Un amour où il n'y avait pas plus de mal que dans le vent et la mer et le sable, à jamais couchés l'un près de l'autre. Fait de toutes les longues journées chaudes passées ensemble sur la plage, et des calmes journées d'éducation bourdonnante à l'école. De toutes les longues journées d'automne des ans écoulés où je portais pour elle, au retour à la maison, ses livres de classe. »
Traduction de Doringe, Paris : 1957, Denoël, "Présence du futur", N°20, p. 120.
« Un train n'a guère de mémoire. Il a tôt fait de tout laisser derrière lui. Il oublie les champs de maïs de l'Illinois, les rivières de l'enfance, les ponts, les lacs, les vallées, les chaumières, les blessures et les joies. Il étale, il étire tout dans le lointain, en arrière, et tout s'efface derrière l'horizon. »
Traduction de Doringe, Paris : 1957, Denoël, "Présence du futur", N°20, p. 120.
« Martin savait que l'automne était revenu, car Chien rentrant dans la maison, apportait avec lui les vent et le givre et les effluves de pommes devenues cidre au pied des arbres. Dans ses poils noirs enroulés comme des ressorts de montre, Chien ramenait de la verge d'or, la poussière d'adieu de l'été, des coques de glands, des poils d'écureuil, un plume oubliée par un rouge-gorge émigré, de la sciure de bois fraîchement coupé, et des feuilles qui, secouées par des érables flamboyants de couleurs, atterrissaient pareilles à des débris de charbon de bois. Chien sautait. Des averses de fougère sèche et crépitante, de ronces, de populages, sautaient autour de lui sur le lit où Martin s'exclamait. Sans aucun doute, sans l'ombre d'un doute, cette bête incroyable était Octobre. »
Traduction de Doringe, Paris : 1957, Denoël, "Présence du futur", N°20, p. 125.