∞-lecture

(V2.1)

Travail et non-travail, utilité et inutilité

temps libre, oisiveté, grèves, retraites...

« Puisqu'il était riche, ce n'était pas de la paresse. Seuls les pauvres sont paresseux. Tout les pauvres sont ignorants. Un homme riche qui ne fait rien est perverti ou indépendant. »

X · 542 · À l'est d'Eden, John Steinbeck

Traduction de Jean-Claude Bonnardot, Paris, Librairie Générale Française, 2008, "Le Livre de Poche", N°1008, p. 457.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« La jeunesse, dit l'homme, c'est la joie. Et, la jeunesse, ce n'est ni la force, ni la souplesse, ni même la jeunesse comme tu disais : c'est la passion pour l'inutile.
"Inutile, ajouta-t-il en levant le doigt, qu'ils disent !" »

X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono

Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 39.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Moi, se dit-il, avec tout ce que j'ai passé ! Car enfin, s'il y avait des raisons au malheur, j'aurais dû être malheureux. Prudence ? Jamais prudence. Économie, ou l'avenir on pensera à ci et à ça ? Jamais. La passion pour l'inutile, se dit-il. La passion ! Inutile ? Inutile pour leur monde, mais dès qu'on sait que notre travail dans ce monde c'est de faire de la richesse pour les autres, est-ce que ça n'est pas précisément ça l'inutile, et si on discute, car je discute, je discute avec moi, donc si on discute, est-ce que ça n'est pas précisément l'utile, tout ce qui a été ma passion ? »

X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono

Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 194.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Le travail est devenu une puante saloperie. Comme si on l'avait crevé lui d'abord pour nous faire crever nous après en nous le faisant bouffer. Pourtant, c'est lui le beau vagabond aux cheveux couleur de queue de vache. Ce que tu fais n'est pas bête. Tu ne peux plus te servir du travail, il est pourri. Il n'est plus dans l'idéal, tu comprends ? Je veux dire qu'il n'est plus dans les belles choses. Alors, tu tires tes gens loin de là. Ça n'est pas bête. »

X · 530 · Que ma joie demeure, Jean Giono

Paris : 1935, Éditions Bernard Grasset, "Le Livre de poche", N°493-494, p. 270.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Parce qu'ils n'accumulent pas de biens, les animaux ont beaucoup de temps libre. Et ils ne font rien. Les animaux n'ont pas besoin d'occuper le temps, de justifier, d'analyser, de qualifier le temps qui passe : ils sont et cela leur suffit. Il faut garder à l'esprit que, contrairement à nous les humains, et bien qu'ils aient une mémoire, les animaux s'inscrivent dans le présent. Il n'ont pas besoin d'occuper leur temps, ils n'ont pas de temps à tuer. En conséquence, il ne faut pas essayer de juger leur comportement en fonction de nos exigences et de notre perception du temps qui passe.
Comment la sélection naturelle tolère-t-elle l'inutile ? Le gaspillage de temps et d'énergie est-il acceptable ? Oui, la nature est gaspilleuse, généreuse à l'infini et la sélection naturelle ne fait rien pour arranger les choses. Elle garde ce qui favorise la reproduction, mais elle n'élimine pas ce qui ne sert à rien. Elle conserve même des organes, des gènes, des comportements handicapants, si cela n'affecte pas la reproduction, car elle ne sélectionne pas organe par organe, gène par gène, comportement par comportement, elle sélectionne l'équipe "morphologie-physiologie-comportement social" et, si l'équipe se reproduit avec succès, même les tares sont conservées. Il faut renoncer à trouver une utilité à tout ce qui existe. »

X · 510 · Le Retour de Moby Dick, François Sarano

P. 113

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« La retraite au sens plein ne se réduit pas à garantir une assurance maladie ou une pension d'invalidité. C'est aussi l'expérience d'un autre temps et d'un autre rythme que celui du travail productif. Et c'est là d'ailleurs le sens plus général du terme *retraite*. »

X · 494 · Du Cap aux grèves, Barbara Stiegler

P. 55

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Notre espace n'est ni "l'environnement numérique de travail", ni le vide intersidéral où s'affrontent les atomes de la compétition. C'est pourtant ce qu'il est devenu. Utilisons la grève pour reconquérir nos lieux et redécouvrir leur histoire. Nous comprendrons alors que la mobilisation est comme la retraite. Qu'il n'y a pas de "régime universel" où chaque mobilisé aurait à compter ses points. Qu'il n'y a que des "régimes spéciaux", lies à la place particulière que chacun occupe et chacun invente, ici et maintenant, exactement au lieu où l'on habite, avec ses forces, ses faiblesses, ses contraintes et son histoire. »

X · 494 · Du Cap aux grèves, Barbara Stiegler

P. 121

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Notre temps n'est pas cette ligne unilinéaire qui irait vers la fin – l'espace intersidéral de la compétition mondialisée – et qui nous obligerait sans relâche à accélérer nos rythmes, précipitant d'un même pas notre salut et notre effondrement. [...] Utilisons la grève pour vaincre en nous cette ombre de Dieu et revenir à un présent partagé et ralenti, ici et maintenant, qui se laisse remplir et compliquer par les contradictions sursaturées du passé et qui, ce faisant, rend l'avenir complètement ouvert. »

X · 494 · Du Cap aux grèves, Barbara Stiegler

P. 122

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Je n'ai que d'excellents souvenirs de ces périodes, notamment des deux premières saisons, où le tourisme ne s'était pas encore développé et où le temps passait comme le temps devrait toujours passer : avec une lenteur extrême, des jours qui s'étirent et se traînent, longs et lents et libres comme des étés d'enfant. Il y avait enfin du temps pour ne rien faire, ou presque rien [...]. »

IX · 472 · Désert solitaire, Edward Abbey

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 15.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Il est impossible de jouir pleinement de la paresse si l'on n'est pas débordé de travail. Où est le plaisir de ne rien faire, quand n'a rien à faire ? Perdre son temps devient alors une simple occupation, et fort épuisante. Pour être douce, la paresse, comme les baisers, doit être volée. »

VIII · 387 · Pensées paresseuses d'un paresseux, Jérôme K. Jérôme

Traduction de Cécile Arnaud, Paris : 2014, Flammarion, "Littérature et civilisation", p. 28.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Mais assez de lits et de chambres à coucher ! J'y ai passé trop de temps, même pour un paresseux. Sortons plutôt fumer une cigarette. Une autre façon de perdre son temps, mais sans perdre la face. Le tabac a été une véritable bénédiction pour nous, les oisifs. »

VIII · 387 · Pensées paresseuses d'un paresseux, Jérôme K. Jérôme

Traduction de Cécile Arnaud, Paris : 2014, Flammarion, "Littérature et civilisation", p. 35.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« – En gros, je crois que la charge de travail te semblera légère parce que tu auras certainement beaucoup de temps libre. Mais ensuite vient le sujet de ce qu'on fait de son temps libre. Il m'est parfois arrivé de penser que c'était la partie la plus difficile du travail ; et même, la partie la plus difficile de l'existence, tu ne crois pas, mon garçon ?
– Vous avez peut-être raison, monsieur.
– Bien sûr que j'ai raison. Souvent, je dois faire face à un après-midi de congé, sans une once de travail à fournir, et tu sais quoi, j'aborde ces moments avec une certaine panique. »

VIII · 386 · Heurs et malheurs du sous-majordome Minor, Patrick De Witt

Traduction par Emmanuelle et Philippe Aronson, Paris : 2017, Actes Sud, "Lettres anglo-américaines", p. 80.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« Oui, il y a encore des hommes qui grandissent, qui ne sont pas devenus en un tour de main, à une vitesse à faire peur, des produits finis extérieurement et intérieurement, comme si les hommes étaient des petits pains qu'on fabrique en cinq minutes et qu'on vend aussitôt afin qu'ils soient consommés. Il y a encore, dieu merci, des gens qui doutent, certains même qui ont l'instinct d'hésitation. Comme si tous ceux qui y vont carrément, qui savent mettre l'affaire dans le sac, qui font valoir des prétentions, étaient pour nous un exemple à suivre et, pour le pays auquel ils appartiennent, de bons citoyens. Eh bien justement non ! Et il y a des non-prêts mieux préparés que les déjà-prêts, et des inutiles souvent beaucoup plus utiles que les utilisables, et finalement il n'est pas besoin que n'importe quoi soit immédiatement ou dans les plus brefs délais mis à la disposition des besoins. Je souhaite, moi, joyeuse vie, dans notre temps aussi, à un certain luxe de l'homme, et une société tombe entre les mains du diable quand elle prétend éliminer toute forme de nonchalance et de relâchement. »

VIII · 376 · Le Brigand, Robert Walser

Traduction de Jean Launay, Paris : 1994, Gallimard, "Folio", N°2900, p. 84.

Mots-clefs :

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾