∞-lecture

(V2.0)

N° 472 · Carnet IX

Désert solitaire

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Première publication : 1968

Lu du 21/03/2020 au 02/04/2020, à Rennes

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« Je n'ai que d'excellents souvenirs de ces périodes, notamment des deux premières saisons, où le tourisme ne s'était pas encore développé et où le temps passait comme le temps devrait toujours passer : avec une lenteur extrême, des jours qui s'étirent et se traînent, longs et lents et libres comme des étés d'enfant. Il y avait enfin du temps pour ne rien faire, ou presque rien [...]. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 15.

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« C'est le plus bel endroit du monde.
Des endroits comme ça, il en existe beaucoup. Tout homme, toute femme, a dans son cœur et dans son esprit l'image de l'endroit idéal, de l'endroit juste, de l'authentique chez-soi, connu ou inconnu, réel ou imaginé. [...] il n'y a pas de limite à la capacité qu'a l'homme de se sentir chez lui quelque part. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 20.

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« La personnification de la nature est précisément la tendance contre laquelle je me bats en moi-même et que j'essaye d'éliminer pour de bon. Je ne suis pas ici seulement pour échapper au tumulte, à la crasse et au chaos de la machine culturelle, mais aussi pour me confronter de manière aussi immédiate et directe que possible au noyau nu de l'existence, à l'élémentaire et au fondamental, au socle de pierre qui nous soutient. Je veux être capable de regarder et d'examiner un genévrier, un morceau de quartz, un vautour, une araignée, et de voir ces choses comme elles sont en elles-mêmes, vierges de toute qualité attribuée par l'homme, catégories scientifiques comprises. [...] Je rêve d'un mysticisme âpre et brutal dans lequel le moi dénudé se fonde dans un monde non humain et y survit pourtant, toujours intact, individué, discret. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 26.

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« Nous nous soucions du temps. Si nous pouvions apprendre à aimer l'espace aussi profondément que nous sommes aujourd'hui obsédés par le temps, nous découvririons peut-être un nouveau sens à l'expression *vivre comme des hommes*. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 90.

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« La ville, qui devrait être le symbole et le cœur de la civilisation, peut aisément se transformer en camp de concentration. C'est là une des découvertes importantes de la science politique contemporaine. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 178.

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« *Wilderness, wilderness*... Nous savons à peine ce que nous entendons lorsque nous prononçons ce mot, mais le son qu'il fait attire tous ceux dont les nerfs et les émotions n'ont pas encore été irrémédiablement abrutis, engourdis, tués par le rut du commerce, la course frénétique pour le profit et la domination.
[...]
Disons par exemple que la *wilderness* convoque une nostalgie, une nostalgie justifiée, et pas seulement sentimentale, de l'Amérique perdue que nos ancêtres connurent. Ce mot connote le passé et l'inconnu, le giron de la terre d'où nous sommes tous issus. Il dit quelque chose de perdu et quelque chose d'encore là, quelque chose de lointain et d'intime en même temps, quelque chose d'enfoui dans notre sang et dans nos nerfs, quelque chose qui nous dépasse, quelque chose d'infini. Pur romantisme, certes, mais ce n'est pas une raison pour le rejeter. Sans constituer toute la vérité, la vision romantique est une part nécessaire de la vérité. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 221.

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« Si l'imagination de l'homme n'était pas si faible, si aisément épuisée, si sa capacité à s'émerveiller n'était si limitée, il abandonnerait à jamais ce genre de rêverie sur le surnaturel. Il apprendrait à voir dans l'eau, les feuilles et le silence plus qu'il n'en faut d'absolu et de merveilleux, plus qu'il n'en faut de tout ça pour le consoler de la perte de ses anciens rêves. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 234.

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« [...] nous devons nous méfier d'un danger bien connu des explorateurs de l'infiniment petit comme de l'infiniment grand : celui de confondre la chose observée et l'esprit de l'observateur, de construire non une image de la réalité extérieur mais simplement un miroir du penseur. Ce danger peut-il être évité sans tomber dans l'erreur inverse mais connexe qui consiste à séparer trop radicalement observateur et chose observée, sujet et objet, et de falsifier ainsi notre vision du monde ? »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 311.

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« Comment allons-nous baptiser ces quatre formations sans nom qui dominent ce bout du Dédale ? D'où nous sommes, ce sont les repères les plus saillants du paysage. [...]
Et pourquoi faudrait-il que nous leur donnions un nom ? demande Waterman. Pourquoi ne pas les laisser en paix ? Je souscris immédiatement à cette suggestion ; bien sûr – pourquoi les baptiser ? Vanité, vanité, ce n'est que vanité : la manie de baptiser les choses est presque aussi vile que la manie de les posséder. Laissons-les en paix – elles survivront bien encore quelques millénaires sans l'aide de notre glorification. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 331.

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« Ils m'ont laissé seul ici, dans la nature sauvage, au centre des choses, à l'endroit exact où le plus important a lieu. (Coucher de soleil et lever de lune, hurlement du vent et stase du monde, transformation des nuages, métamorphose de la lumière, jaunissement des feuilles et vautour haut en son vol indolent...). »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 341.

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« Je suis presque prêt à croire que cette douce terre virginale sera heureuse de mon départ et de l'absence de touristes [...].
Heureuse de notre départ ? Encore une expression de la vanité humaine. La plus belle qualité de cette pierre, de cette flore et de cette faune, de ce paysage désertique est l'indifférence à notre présence, notre absence, notre venue, notre séjour ou notre départ. Le désert ne se soucie absolument pas que nous vivions ou que nous mourrions. Que les hommes réduisent en leur folie chaque ville à un tas de gravats noirs, qu'ils noient la planète entière sous un nuage de gaz létal – les canyons et les montagnes, les sources et les rochers dureront, le soleil percera la brume, de l'eau se formera et la tiédeur recouvrira la terre, et au bout d'un temps suffisant, au bout du temps qu'il faudra, quelque part, des choses vivantes émergeront et se rejoindront et se dresseront de nouveau, pour prendre peut-être un tour différent cette fois, un tour merveilleux. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 344.

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« Le désert sera toujours là au printemps. Puis vient une seconde pensée. Lorsque je reviendrai, sera-t-il le même qu'aujourd'hui ? Serai-je le même ? Tout sera-t-il de nouveau à peu près le même ? Si je reviens. »

Traduction de Jacques Mailhos, Paris : 2018, Gallmeister, "Totem", N°110, p. 347.

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