🖉
Pour ne pas écrire ce que j’ai à écrire ce matin j’ai écrit un mauvais poème sur une punaise qui n’est pas devenue mon amie.
Ce matin il y avait une punaise sur mon bureau
Je lui ai dit c’est mon bureau va-t-en
la punaise a bougé ses antennes
Je lui ai dit je ne veux pas partager mon bureau avec toi
Je n’avais pas d’autres arguments
Peut-être qu’elle était dans ce bureau depuis
plus longtemps que moi
Je ne pouvais pas lui dire que je ne l’aimais pas
parce que je la trouvais moche
C’est du délit
Mais je n’aime pas les punaises
parce que je les trouve moches
Si on les écrase, elles puent
Même si je ne compte pas
écraser de punaises
je sais qu’elle puerait
Et ça me gêne
J’ai essayé de rester à mon bureau
à côté de la punaise
Je n’ai pas réussi
J’ai pris un verre à moutarde
et une feuille rigide
La punaise est restée sage dans le verre
pendant que je la transportais jusqu’à la baie vitrée
du salon
Je l’ai jetée sur la terrasse
Je n’ai pas essayé d’amortir son atterrissage
Quand je suis sortie un peu plus tard
la punaise n’était plus
là
Elle était partie chercher un autre bureau
peut-être
ou je l’avais jetée en pâture aux oiseaux
qui l’ont mangée
même si elle pue.
J’ai tapé dans google : “is there still any forums” pour ne pas me mettre à travailler, la première réponse est un thread reddit : “What forums are still active?”, j’ai lu la réponse d’hardesthardcoregamer, j’ai tapé Melonland dans Qwant, j’ai cliqué sur la deuxième réponse.
Maintenant j’ai très envie de m’inscrire sur ce forum mais je n’ose pas. Je vais le laisser dans un onglet ouvert jusqu’à ce que je craque ou que je ferme Firefox sans faire exprès et que je n’y pense plus jamais.
Si quelqu’un·e a envie de s’inscrire avec moi, qu’iel me mail, stp.
J’ai découvert pour la première fois que quelqu’un avait lu ce blog.
C’est Quentin, il l’a dit dans ses relevés. Ça m’a paru logique, si je devais penser à un lecteur idéal pour ce blog, ce serait Quentin. Sûrement parce que comme je l’explique dans le ?, ce blog a pris toute sa forme grâce aux discussions avec lui.
Quentin dit juste après qu’il est triste d’aller au travail depuis que je suis partie.
Un jour, je lui ai dit : “Si tu pars, je pars”. C’était vrai. Mais c’est moi qui suis partie.
Je suis triste que Quentin soit triste d’aller travailler à la Maison de la Poésie. Je ne suis pas triste de ne plus travailler à la Maison de la Poésie. Mais je suis triste de ne plus travailler avec Quentin.
Quand je pense à mon travail à la Maison de la Poésie, je pense à toutes les choses qu’on a faites ensemble, à côté de ce qui était obligé, la revue Maipoland, le site Internet Exploreur, le mandala du jardin, les parties de Magic et de Keyforge et toutes les autres idées qu’on a eues et qu’on n’a jamais faites, l’album panini des poètes, le plus grand championnat de poésie, le site de tutos dans la ville et d’autres que j’ai sûrement oubliées et qui me reviendront à des moments sans rapport.
Je ne sais pas ce que Quentin et moi on va faire maintenant. Mais je me dis qu’il y plein de choses qui ne sont pas impossibles. J’espère même qu’il y a plein de choses qui sont possibles. Par exemple, peut-être qu’on jour, Quentin et moi, on travaillera à nouveau ensemble. On ne sera pas tristes.
Je suis partie 5 jours en Normandie et je n’ai pas du tout pensé à internet.
Comme je n’ai pas de smartphone, c’est très facile pour moi de laisser internet quelque part. Quand je n’ai pas internet avec moi, il ne me manque pas. C’est comme si j’étais soulagée de quelque chose.
La seule chose d’internet que j’ai emportée avec moi, c’est un patron de crochet. Pour ne pas avoir à l’imprimer, j’ai noté toutes les explications du patron en écriture minuscule sur des post-it que j’ai collés sur les pages de mon cahier. C’était un très joli puzzle recouvert d’un très joli langage, voilà un extrait :
R11: b slst, sc, 3x(db slst, 7sc, b slst, 3sc) db slst, 7sc, b slst, sc […] R15: 2sc, dec, 2sc ; R16: scflo, incflo, scflo1
C’est le patron d’une montgolfière baleine qui transporte un capitaine grenouille.
Une seule fois, j’ai emprunté la tablette de Léo pour poser une question à Google sur les photons. Google n’a pas su me répondre parce que je n’ai pas su lui expliquer ma question. Google a toutes les réponses d’internet mais il ne comprend pas les questions. Je suis sûre que je connais au moins trois personnes que j’aurais pu appeler qui auraient compris ma question et qui connaissaient la réponse. Je suis triste d’avoir pensé à Google en premier.
Ce matin en allumant mon ordinateur j’avais peur, comme toujours, de retrouver internet. Des fois, j’aimerais qu’internet soit mort.
👁
Je joue à The Rootrees are dead. C’est un jeu qui a été d’abord réalisé par Jeremy Johnston pour une gamejam. Robin Ward (Evil Trout) est tombé sur la version gratuite sur itch.io et a proposé à Jeremy Johnston de le reprogrammer pour en faire une version officielle qui est disponible sur Steam depuis janvier 2025.
C’est un jeu très bien. Il faut recomposer l’arbre généalogique de la famille Roottree sur cinq générations après la mort de cinq de leurs membres dans un accident d’avion. Je le conseille à tout le monde.
Mais surtout je suis tombée sur ce très bon article de Robin Ward qui détaille tout son processus de développement sur Godot. Je le conseille aussi à tout le monde.
👁
Je joue à Lorelei and the Laser Eyes1 je joue je ne peux pas m’arrêter de jouer avant d’avoir résolu toutes les énigmes ce sont des énigmes très satisfaisantes elles te font croire que tu es un crack en énigmes je les résous une par une je suis un crack il faut que je joue tout d’un coup sinon quand je peux jouer et que je ne joue pas je pense que je pourrais jouer alors pourquoi je ne jouerai pas je joue sur mon canapé je joue dans mon lit je joue sous l’auvent je résous les énigmes avec une seule main en fumant une cigarette quand je ne joue pas je pense aux énigmes ça faisait très longtemps que je n’avais pas joué comme ça je marche dans les couloirs de l’hôtel les textures croustillent dans mes yeux le bruit de mes souliers est très satisfaisant le bruit du glitch de mes lunettes aussi comme les énigmes je les résous toutes jusqu’à la fin je finis le jeu le jeu me dit que j’ai joué 17 heures je n’ai rien vu passer derrière mes yeux lasers.
👁
C’est la soirée C’est l’attention qui compte d’Antoine à la Maipo. Antoine présente son processus de travail. Il nous fait écouter le plus beau poème du monde et nous montre un tableau excel avec tous ses revenus depuis 2016. Il en tire des conclusions avec lesquelles nous sommes d’accord. Il nous montre des projets qui sont aussi beaux que drôles. En très vite dit, ce sont des histoires d’aventures d’amix qui touchent aux failles du monde et chassent l’absurde avec encore plus d’absurde. Il nous parle de la Résidence Continue qu’il devait clôturer après 10 ans et que finalement il continue. La DRAC lui a déjà donné des sous pour la Résidence Continue, parce qu’Antoine leur a expliqué qu’il n’avait pas besoin de résidences pour faire les choses ailleurs mais plutôt de sous pour faire les choses ici. On dirait un hack du système mais en fait c’est comme ça que les choses devraient se passer la plupart du temps. Après on mange de la soupe avec du beurre de cachuètes dedans.
Je mange chez Alix et on parle des réseaux sociaux, de Stone Grandmas et du travail en général. On parle aussi d’un mail qu’elle vient de recevoir pour une invitation collective (adressée à tous les alumnis de son ancien groupe de recherche) à une exposition. Le mail explique dans la même phrase que c’est une invitation très généreuse de la part du musée et qu’il n’y a pas de budget. On se demande s’il vaut mieux ne pas répondre ou dépenser du temps non payé à expliquer pourquoi cette proposition n’est pas acceptable. Plus tard dans la journée avec Antoine, on se dit qu’un mail contenant simplement “Non merci” est une bonne manière de résoudre ce genre de situation.
À la Maipo, on joue à Magic avec Quentin, Valentin et Gurvan. J’aime bien quand Quentin joue son deck Morska parce qu’il dit souvent la phrase “Je crack mon indice”. Je suis assez mauvaise à Magic et je ne sais pas si un jour je serai meilleure. Ça ne me dérange pas, j’espère juste que les autres seront assez patients pour continuer à jouer avec moi.
👁
Je joue à Mindcop. C’est très bien. C’est une enquête dans une station touristique, il faut mindsurfer les gens pour découvrir leurs secrets cachés. Ça consiste littéralement à faire du surf dans le cerveau des gens. Il y a l’atmosphère de Twin Peaks. Quand il interroge des suspect, des fois Mindcop fait la vague avec ses bras. J’apprends en insérant le lien de la page du jeu dans cet article qu’Andre Gareis a fait ce jeu tout seul, pendant 6 ans. Je n’ai rien à ajouter.
👁
Je regarde un échange avec Bernard Friot sur le travail. Ca me rappelle que je peux utiliser le mot emploi. Travail ≠ emploi. Je n’ai plus d’emploi. J’ai du travail.
👁
En ce moment je prends des livres au hasard à la médiathèque, ça me fait du bien de découvrir des choses sur lesquelles je ne serai jamais tombée sinon, même si je suis souvent déçue. J’ai pris L’ère de la Supernova de Liu Cixin. C’est l’histoire de la terre après qu’une supernova a provoqué la mort de tous les humains qui ont plus de 13 ans. C’est très mauvais. C’est juste une vraie purge. Mal écrit, mal traduit, mal corrigé, rien à sauver. Comme dans Le Problème à Trois Corps, le gars a pas pu s’empêcher de caler un jeu vidéo alors que je ne pense pas qu’il ait joué à autre chose que Mario Party dans sa vie. Il décrit un monde en réalité virtuelle construit par des enfants en mode Minecraft photoréaliste, je saute les pages après avoir lu une description interminable de montagnes russes géantes, c’est trop pour moi. Après ça, les enfants font les jeux olympiques de la guerre en Antarctique, je ne lis pas non plus la centaine de pages qui décrit chacune des épreuves pétées de combat de char contre char. De toute façon il m’a perdue dès le début quand les enfants garçons ont eu le droit de piloter des avions et d’entretenir des centrales pendant que les enfants filles s’occupaient des crèches et des bébés. Je continue quand même après ça dans une volonté un peu sadique de voir jusqu’où l’auteur va s’enfoncer dans son histoire nulle mais souvent je dois refermer le livre parce que je suis trop énervée.
Meilleure note de lecture par Alix
Je squatte à la Maison de la Poésie parce que j’ai porté la Clio au garage pour la journée. C’est pour ça que je l’ai nettoyée lundi, pour faire bien devant les garagistes. À la Maison de la Poésie, il y a Antoine qui est en résidence pour deux semaines. Avec Quentin, Antoine et Marie, on mange des viennoiseries dans la bibliothèque et on monte deux-trois projets blagues qu’on ne fera jamais et un projet spécial mais secret parce qu’il existera sans doute pendant Carrément 2025. Je suis contente de revenir à la Maison de la Poésie, je ne l’ai pas quittée parce que je ne l’aimais plus mais parce que je ne pouvais pas continuer d’y être employée. Je n’avais plus de temps pour mon propre travail. Je suis contente de retrouver les gens avec qui j’ai travaillé et que j’aime. Aujourd’hui est un bon indice que la Maison de la Poésie peut continuer à exister dans ma vie autrement, avec les amix qui sont dedans. Le midi avec Antoine, on mange au restaurant ethiopien et on parle du travail. On se raconte où on en est, où on essaye d’aller et où on essaye de refuser d’être. Antoine dit j’ai su que la situation était grave quand c’est devenu pas raisonnable de faire les choses que j’aime faire. Je pense à la mante religieuse Lego d’hier. Quand je repars de la Maison de la Poésie, je me sens bien remplie de plein d’énergie de faire. C’est grâce à toutes les bonnes discutes, comme dirait Antoine.
Je ne vais pas au travail. Au lieu de tourner à droite pour prendre la voie rapide jusqu’à Rennes, je tourne à gauche et je traverse le bourg pour faire des courses. Après je nettoie l’intérieur de la Clio pour la première fois depuis six ans. Pour la première fois tout court, parce qu’avant la Clio, je n’avais pas de voiture, on utilisait la Twingo de Léo. Je ne vais pas au travail, j’ai terminé officiellement mon contrat salarié à la Maison de la Poésie le 20 décembre. J’ai commencé à travailler à la Maison de la Poésie il y a six ans. Et j’ai eu une voiture.
Je m’installe à la table du salon devant la baie vitrée et la prairie et je fais des Lego. Je construis une mante religieuse vert fluo en écoutant le Cosy Corner. La mante me fait penser aux bionicles qu’on avait avec Alix. Le mien était vert et celui d’Alix était bleu, on en avait un troisième violet mais je ne sais plus à qui il était, c’était un violet presque magenta, c’était aussi la couleur de mon premier VTT, c’est une de mes couleurs préférées, quand je la vois je suis un peu plus heureuse et j’ai envie de la mettre dans mes mains ou contre ma joue. Je cherche la couleur dans Google images et Google me dit qu’elle s’appelle zinzolin, je l’aime encore plus.
La mante fait partie d’une boîte de trois insectes que Léo m’a offerte à mon dernier anniversaire, il y a neuf mois. J’ai déjà construit le papillon bleu mais je n’ai pas eu le temps depuis de faire les deux autres, la mante verte et le scarabée jaune. Je garde le scarabée pour la fin parce qu’on dirait qu’il a le plus de pièces. Le problème des Legos c’est que je ne sais jamais quoi en faire quand ils sont construits.
La couleur zinzolin
2024
J’emménage dans une maison. Il y a une baie vitrée devant le salon, une terrasse devant la baie vitrée, un jardin devant la terrasse, une prairie devant le jardin, un ruisseau au bout de la prairie. Après, il y a des champs. Des chèvres tondent la pelouse. Elles mangent un bout du framboisier. La nuit, on entend deux hulottes et une effraie mais on ne les voit pas. Un crapaud épineux est dehors trop tard pour la saison. Les chevreuils sortent du champ de maïs. Le maïs est coupé, les chevreuils se baladent ailleurs. Les lapins courent très vite. On entend des sangliers dans le noir. Je vois plus de renards morts que de renards vivants. Une bande de moineaux crèche dans la haie. Le jardin a son rouge-gorge. Les merles fouillent mon paillage. Un faucon crécerelle plonge à côté de ma tasse de café. Les buses crient haut. Une grande aigrette fait une virgule blanche dans la prairie. Le pic vert est timide. Les mésanges charbonnières préfèrent le pommiers, les mésanges à longue queue le toit du garage. La verveine est morte avec le gel. De la ciboulette sauvage pousse dans la pelouse. J’aimerais connaître plus de plantes sauvages pour teindre, vanner et manger. Je demande une flore à Noël.
1989
Je nais.