∞-lecture

(V2.1)

Réalités

À propos de la perception des mondes et des dimensions.

« Puis ils prennent la mer, ou peut-être faut-il dire qu'ils entrent dans le clair de lune : il existe tant de mondes que nous ne saurions les compter, et aucun d'entre eux n'est plus réel que les autres. »

X · 528 · D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds, Kalman Stefansson

Traduction d'Éric Boury, Paris : 2015, Gallimard, "Folio", N°6267, p. 227.

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« Quantité d'ébauches ou de commencements, d'indications interrompues, dessinent autour d'une réalité infime et changeante tout un jeu kaléïdoscopique d'êtres ou de monumentalités qui n'existeront jamais. »

VIII · 380 · Les Existences moindres, David Lapoujade

Paris : 2017, Les Éditions de Minuit, p. 31.

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« C'est que percevoir, pour Souriau, ce n'est pas observer du dehors un monde étalé devant soi, c'est au contraire *entrer* dans un point de vue comme on sympathise. La perception est participation. [...] On n'a pas une perspective du monde, c'est au contraire le monde qui nous fait entrer dans une de ses perspectives. L'être n'est pas clos sur lui-même, refermé sur un en-soi inaccessible, il est sans cesse ouvert par les perspectives qu'il suscite. Les perspectives ouvrent l'être, le déplient, en explorent les dimensions et les plans, en droit innombrables. »

VIII · 380 · Les Existences moindres, David Lapoujade

Paris : 2017, Les Éditions de Minuit, p. 40.

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« La thèse perspectiviste, c'est qu'il n'y a pas d'abord un monde commun que chacun s'approprie pour en faire "son" monde, mais l'inverse. Il y a d'abord des mondes "privés", singuliers, qui forment ensuite un monde commun, par leurs communications multiples. »

VIII · 380 · Les Existences moindres, David Lapoujade

Paris : 2017, Les Éditions de Minuit, p. 48.

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« L'instauration n'est pas synonyme d'anaphore. L'anaphore désigne le processus d'intensification par lequel une existence gagne en réalité tandis que l'instauration désigne l'opération par laquelle une existence gagne en "formalité" ou en solidité. Souriau préfère ce terme à ceux de production ou de création, jugés trop ambigus [...]. Instaurer consiste à asseoir l'existence d'un être comme on établit une institution, une cérémonie ou un rituel. Créer, c'est instituer ou *formaliser* [...]. Et formaliser, c'est faire passer à l'existence l'architectonie enveloppée dans l'être virtuel, à l'état encore "implexe" ; c'est en déployer la structure. En ce sens, on comprend pourquoi il s'agit moins de créer que d'instaurer. "D'un certain point de vue, l'homme ne crée rien. La nature même ne crée rien. L'épanouissement du bouton ne crée pas la rose. Toutes ses conditions matérielles et causales étaient là. La forme seule est nouvelle. La nouveauté est immatérielle et, naturellement, l'immatériel est seul nouveau."*

*Étienne Souriau, *L'Instauration philosophique*, PUF, 1939. »

VIII · 380 · Les Existences moindres, David Lapoujade

Paris : 2017, Les Éditions de Minuit, p. 65.

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« Par cette nuit d'été, dit Austerlitz, jusqu'à la pointe du jour, nous sommes restés assis dans cette combe au-dessus de l'embouchure du Mawddach et nous avons observé la centaine de milliers de papillons nocturnes, selon l'estimation d'Alphonso, venus danser autour de nous leur ballet virevoltant. Admirés surtout par Gerald, les diverses stries lumineuses qu'ils semblaient laisser derrière eux, traits, boucles et spirales, n'avaient en réalité aucune existence, avait expliqué Alphonso, elles n'étaient que traces fantômes dues à la paresse de notre œil, qui croit encore voir un reflet rémanent à l'endroit d'où l'insecte, pris une fraction de seconde sous l'éclat de la lampe, a déjà disparu. C'était à ce genre de phénomènes factices, à ces irruptions de l'irréel dans le monde réel, à certains effets de lumière dans un paysage étalé devant nous, au miroitement de l'œil qu'une personne aimée, que s'embrasaient nos sentiments les plus profonds, ou du moins ce que nous tenions pour tel. »

VIII · 361 · Austerlitz, W. G. Sebald

Traduction de Patrick Charbonneau, Paris : 2002, Actes Sud, "Babel", N°1187, p. 112.

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« À mon avis, nous ne pouvons prononcer une seule phrase qui traduise en réalité pure un fait d'expérience. Les mots les plus simples comme "jaune", "doux", "amer", qui semblent n'indiquer que de simples sensations, expriment déjà des concepts qui ont été formés par abstraction à partir de multiples faits d'expérience. Lorsque Goethe dit que l'expérience n'est qu'à moitié l'expérience, il entend certainement exprimer par cette formule d'apparence paradoxale que toute interprétation conceptuelle de l'expérience, ou toute traduction de celle-ci par des mots, nous oblige déjà à aller au-delà de l'expérience. »

VIII · 357 · Le Facteur temps ne sonne jamais deux fois, Étienne Klein

Paris : 2016, Flammarion, "Champs-sciences", p. 230.

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« Il y a finalement deux grandes possibilités de contact avec le réel, qui n'ont pas toutes les deux la même fécondité : le contact rugueux, direct, qui bute sur les choses, les jauge, les dote de diverses propriétés qui paraissent évidentes, mais n'en tire souvent rien d'autre que le sentiment de leur présence ; et le contact "en miroir", qui, par un jeu de correspondance entre le visible et l'invisible, remplace la présence des choses par les connaissances que nous avons su en construire, autrement dit, par leur mise en images ou en concepts. »

VIII · 357 · Le Facteur temps ne sonne jamais deux fois, Étienne Klein

Paris : 2016, Flammarion, "Champs-sciences", p. 235.

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