N° 517 · Carnet X
Les Travailleurs de la mer
, ,Première publication : 1866
Lu du 09/12/2021 au 23/12/2021, à Rennes, Lannilis
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Gilliatt ne croyait pas à l'air désert. Il disait : puisque la mer est remplie, pourquoi l'atmosphère serait-elle vide ? Des créatures couleur d'air s'effaceraient dans la lumière et échapperaient à notre regard ; qui nous prouve qu'il n'y en a pas ? L'analogie indique que l'air doit avoir des poissons comme la mer a les siens ; ces poissons de l'air seraient diaphanes, bienfait de la prévoyance créatrice pour nous comme pour eux ; laissant passer le jour à travers leur forme et ne faisant point d'ombre, et n'ayant pas de silhouette, ils resteraient ignorés de nous, et nous n'en pourrions rien saisir. Gilliat imaginait que si l'on pouvait mettre à sec l'atmosphère, et que si l'on pêchait l'air comme on pêche les étangs, on y trouverait une foule d'êtres surprenants. Et, ajoutait-il dans sa rêverie, bien des choses s'expliqueraient.
La rêverie, qui est la pensée à l'état de nébuleuse, confine au sommeil, et s'en préoccupe comme de sa frontière. L'air habité par des transparences vivantes, ce serait le commencement de l'inconnu : mais au-delà s'offre la vaste ouverture du possible. Là d'autres êtres, d'autres faits. Aucun surnaturalisme ; mais la continuation occulte de la nature infinie. »
P. 110
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Essayez de vous rendre compte de ce chaos, si énorme qu'il aboutit au niveau. Il est le récipient universel, réservoir pour les fécondations, creuset pour les bifurcations. Il amasse, puis disperse ; il accumule, puis ensemence ; il dévore, puis crée. Il reçoit tous les égouts de la terre, et il les thésaurise. Il est solide dans la banquise, liquide dans le flot, fluide dans l'effluve. Comme matière il est masse, et comme forme il est abstraction. Il égalise et marie les phénomènes. Il se simplifie par l'infini dans la combinaison. C'est à force de mélange et de trouble qu'il arrive à la transparence. La diversité soluble se fonde dans son unité. Il a tant d'élément qu'il est l'identité. Une de ses gouttes, c'est tout lui. Parce qu'il est plein de tempêtes, il devient l'équilibre. »
P. 338
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Ignorer invite à essayer. L'ignorance est une rêverie, et la rêverie curieuse est une force. Savoir déconcerte parfois et déconseille souvent. »
P. 384
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