∞-lecture

(V2.0)

N° 468 · Carnet IX

La Forme du Monde

,
,

Première publication : 2019

Lu du 09/02/2020 au 23/02/2020, à Rennes, Pen Bé

Dans la bibliothèque

︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾.︾

« J'aime la solitude, je la recherche et je la choie. Dans le silence et l'isolement, mon esprit devient plus fécond, j'invente plus aisément, je me concentre et trouve les circonstances propices à l'émerveillement. L'émerveillement qui m'intéresse est celui que je qualifie de modeste : non parce qu'il manquerait de puissance mais parce qu'il est suscité par des spectacles humbles – à notre portée quotidienne. Surtout, il n'est rendu possible que par un état intérieur favorable – concentration, vigilance, ouverture, disponibilité à l'hors-de-soi et à l'instant présent. État qui exige un travail sur moi, car ma situation intérieure la plus habituelle consiste à être la proie de mon désir de faire, de vivre, d'avancer – un désir qui m'entraîne souvent dans un mouvement trop rapide pour que j'aie le temps de m'émerveiller. »

Paris : 2019, Flammarion, Arthaud, "Versant intime", p. 63.

Mots-clefs :

︾.︾

« J'aimerai toujours connaître le nom des animaux, des fleurs ou encore des sommets plus ou moins lointains qu'on voit depuis certains "panoramas". Car l'émerveillement veut savoir des noms, et même des chiffres et des explications. De là son lien avec la philosophie, dit Platon : on s'étonne – on s'émerveille –, ce qui engendre le désir de comprendre et d'apprendre. Je reste pourtant surprise de ce souhait – cette quasi-manie – de connaître les noms. Pourquoi vouloir à ce point nommer le monde ? Pour le fixer dans la mémoire, bien sûr. Mais aussi parce que, passant du monde, tout m'en échappe si je ne lui applique pas le langage. »

Paris : 2019, Flammarion, Arthaud, "Versant intime", p. 66.

Mots-clefs :

︾.︾

« Depuis *L'Odyssée* jusqu'à Conrad en passant par Melville ou Stevenson, le périple offre des variations infinies. La mer elle-même est monotone pourtant. Comme la montagne elle est irreprésentable, non parce qu'elle est sublime (elle l'est aussi), mais parce qu'elle présente un aspect trop uni – il est frapapnt de constater que dans sa matérialité, elle ne devient motif pour le peintre ou le photographe qu'au moment où elle rejoint la terre : c'est le plus souvent à ses franges que l'élément liquide retient l'attention. Mais le voyage, lui, est passionnant. Question d'enfant et des marins primitifs : qu'y a-t-il de l'autre côté ? [...] Par la mer on part à la rencontre du monde. Et surtout, on va *quelque part*. On ne sait pas toujours où, mais justement, l'émerveillement est peut-être au bout de l'océan. »

Paris : 2019, Flammarion, Arthaud, "Versant intime" , p. 468.

Mots-clefs :

︾.︾