∞-lecture

(V2.1)

N° 378 · Carnet VIII

Voyage au bout de la nuit

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Première publication : 1952

Lu du 09/10/2017 au 31/10/2017, à Rennes, Paris, Port-Mer

Emprunté à quelqu'un

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« Quand on n'a pas d'imagination, mourir c'est peu de choses, quand on en a, mourir c'est trop. Voilà mon avis. Jamais je n'avais compris tant de choses à la fois. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 24.

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« Était-il fou vraiment ? Quand le moment du monde à l'envers est venu et que c'est être fou que de demander pourquoi on vous assassine, il devient évident qu'on passe pour fou à peu de frais. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 72.

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« Certes, nous avons l'habitude d'admirer tous les jours d'immenses bandits, dont le monde entier vénère avec nous l'opulence et dont l'existence démontre cependant dès qu'on l'examine d'un peu près comme un long crime chaque jour renouvelé, mais ces gens-là jouissent de gloire, d'honners et de puissance, leurs forfaits sont consacrés par les lois, tandis qu'aussi loin qu'on se rapporte dans l'histoire – et vous savez que je suis payé pour la connaître – tout nous démontre qu'un larcin véniel, et surtout d'aliments mesquins, tels que croûtes, jambons ou fromage, attire sur son auteur immanquablement l'opprobre formel, les reniements catégoriques de la communauté, les châtiments majeurs, le déshonneur automatique et la honte inexpliable et cela pour deux raisons, tout d'abord parce que l'auteur de tels forfaits est généralement un pauvre et que cet état implique en lui-même une indignité capitale et ensuite parce que son acte comporte une sorte de tacite reproche envers la communauté. Le vol du pauvre devient une malicieuse reprise individuelle, me comprenez-vous ? ... Où irions-nous ? Aussi la répression des menus larcins s'exerce-t-elle, remarquez, sous tous les climats, avec une rigueur extrême, comme moyen de défense sociale non seulement, mais encore et surtout comme une recommandation sévère à tous les malheureux d'avoir à se tenir à leur place et dans leur caste, peinards, joyeusement résignés à crever tout au long des siècles et indéfiniment de misère et de faim. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 75.

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« La religion drapeautique remplaça promptement la céleste, vieux nuage déjà dégonflé par la Réforme et condensé depuis longtemps en tirelires épiscopales. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 78.

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« On m'avait donc embarqué là-dessus, pour que j'essaye de me refaire aux Colonies. Ils y tenaient ceux qui me voulaient du bien, à ce que je fasse fortune. Je n'avais envie moi que de m'en aller, mais comme on doit toujours avoir l'air utile quand on n'est pas riche et comme d'autre part je n'en finissais pas avec mes études, ça ne pouvait pas durer. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 122.

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« Au bord du quai les pêcheurs ne prenaient rien. Ils n'avaient même pas l'air de tenir beaucoup à en prendre des poissons. Les poissons devaient les connaître. Ils restaient là tous à faire semblant. Un joli dernier soleil tenait encore un peu de chaleur autour de nous, faisant sauter sur l'eau des petits reflets coupés de bleu et d'or. Du vent, il en venait du tout frais d'en face à travers les grands arbres, tout souriant le vent, se pencchant à travers mille feuilles, en rafales douces. On était bien. Deux heures pleines, on est restés ainsi à ne rien prendre, à ne rien faire. Et puis, la Seine est tournée au sombre et le coin du pont est devenu tout rouge du crépuscule. Le monde en passant sur le quai nous avait oubliés là, nous autres, entre la rive et l'eau.
La nuit est sortie de dessous les arches, elle est montée tout le long du château, elle a pris la façade, les fenêtres, l'une après l'autre, qui flambaient devant l'ombre. Et puis, elle se sont éteintes aussi les fenêtres.
Il ne restait plus qu'à partir une fois de plus. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 306.

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Corpus :

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« C'était froid et silencieux chez moi. Comme une petite nuit dans un coin de la grande, exprès pour moi tout seul. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 310.

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« Le cœur à soi quand on est un peu bu de fatigue vous tape le long des tempes. Bim ! Bim ! qu'il fait, contre l'espèce de velours tendu autour de la tête et dans le fond des oreilles. C'est comme ça qu'on arrive à éclater un jours. Ainsi soit-il ! Un jour quand le mouvement du dedans rejoint celui du dehors et que toutes vos idées alors s'éparpillent et vont s'amuser enfin avec les étoiles. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 332.

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« Il n'y a de terrible en nous et sur la terre et dans le ciel peut-être que ce qui n'a pas encore été dit. On ne sera tranquille que lorsque tout aura été dit, une bonne fois pour toutes, alors enfin on fera silence et on aura plus peur de se taire. Ça y sera. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 347.

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« Trahir, qu'on dit, c'est vite dit. Faut encore saisir l'occasion. C'est comme d'ouvrir une fenêtre dans une prison, trahir. Tout le monde en a envie, mais c'est rare qu'on puisse. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 365.

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« Après des années quand on y resonge il arrive qu'on voudrait bien les rattraper les mots qu'ils ont dit certains gens et les gens eux-mêmes pour leur demander ce qu'ils ont voulu nous dire... Mais ils sont bien partis !... On n'avait pas assez d'instruction pour les comprendre... On voudrait savoir comme ça s'ils n'ont pas depuis changé d'avis des fois... Mais c'est bien trop tard... C'est fini !... Personne ne sait plus rien d'eux. Il faut continuer sa route tout seul, dans la nuit. On a perdu ses vrais compagnons. On leur a pas seulement posé la bonne question, la vraie, quand il était temps. À côté d'eux on ne savait pas. Homme perdu. On est toujours en retard d'abord. Tout ça, c'est des regrets qui ne font pas bouillir la marmite. »

Paris : 2006, Gallimard, "Folio Plus Classiques", N°60, p. 401.

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