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N° 702 - Pensée-parasite

J’ai une pensée-parasite.
Tique,
une pensée-tique.
À mandibules.
Derrière le pavillon de l’oreille.
Là où c’est nu,
nu et vide et vulnérable.
Découvert.
Elle a planté deux crocs. Avides.

La pensée-tique m’a incisé la boîte crânienne, là, cachée, derrière. Je tourne la tête et elle est toujours là, derrière les yeux, le crâne, le corps. Je ne vois pas la pensée-tique. Je ne la connais pas. Je ne sais rien de mon parasite, mais il m’aliène, je suis enchâssée dans ses échos, ma pensée-tique est une corde à nœuds qu’il faut que j’escalade, elle est pleine de nœuds, il faut gravir, nœud par nœud, tous les nœuds, pour arriver en haut, tout en haut de la corde, tout en haut des nœuds, mais ce là-haut, ce tout là-haut, je ne le vois pas.

C’est une grande chose, ma pensée-tique, une grande chose inconnue, énorme, c’est énorme la pensée-tique, elle me hante, j’en ai soif et ça brûle, ça brûle toutes les autres pensées, ça envahit tout et ça brouille, ça brouille toutes mes ondes. Ça grésille sur mes réseaux, ça sature, ça crachote, ça me rappelle, ça me rappelle ce qu’il faut que je fasse, ça me rappelle, il faut faire, mais quoi ? Il faut dire, mais quoi ?

Ma pensée-tique pompe, pompe, elle pompe tous mes flux, tout, tout ce qui passe elle le pompe, elle pompe et ça irrite. Ça démange, c’est fou comme ça démange, c’est imperceptible comme ça démange, mais ça démange là, partout et tout le temps, ça démange et quand je gratte, ça saigne, ça s’écartèle, ça se démembre, ça arrache le corps du parasite enflé de sang et de bile et de flux et ça se désintègre et ça s’épanche et ça s’écoule, ça coule du pus de flux, fermenté, gâté, pourri, ça suinte et ça ruisselle mais la tête, elle reste là, toujours insérée là, dans le tendre, le nu, là et le corps repousse, il repousse encore plus dru et plus fort et plus tenace, ça ne se cure pas, ne se récure pas, c’est incrusté, là, juste là.

Il faut accomplir la pensée-tique, la mettre bas, se l’expulser, se la purger, se l’exorciser, il faut l’apprivoiser, la pensée-tique, l’approcher, l’effleurer, d’abord, la tâter, la toucher du bout du doigt, du bout du bout du doigt, l’attirer sur le devant du visage, lui faire faire le tour de l’oreille, la faire grimper au beau milieu du front, en plein les narines, au centre de la prunelle, dans les vibrisses, les sinus, la cornée, la glotte, les muqueuses,
partout,
partout,
dans tous les trous.

J’appelle,
j’invoque,
j’appâte,
j’avale ma pensée-parasite.
Je digère ma pensée-parasite.
J’amalgame ma pensée-parasite.
Je pense à ma pensée-parasite, je me regarde penser à la pensée-parasite, je suis parasitée par la pensée de ma pensée-parasite, je parasite ma pensée, je suis ma pensée-parasite, je suis la pensée-parasite de ma pensée-parasite, je suis derrière l’oreille de ma pensée-parasite, je suis derrière mon oreille, je suis derrière derrière mon oreille, je pompe ma pensée-parasite, je pompe ma pensée, je pompe, je m’autopompe, je m’auto-pense, je m’auto-parasite, je suis le parasite.

Je vomis.

Jan 2016 - Lien du post

N° 583 - Vorwerk

20_Vorwerk

Vorwerk  – Issu d’une résidence à la Pierre Bleue, fondée par Félix Jutteau – Pour voir les réflexions initiées lors de ce temps de travail et de recherche, c’est ici.

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VORWERK
avant l’œuvre                     pour l’œuvre

avant, c’est l’œuvre

avant l’œuvre, c’est déjà l’œuvre

œuvrer avant l’œuvre

œuvrer, avant

œuvrer, avant.

à l’œuvre                   .                   à l’œuvre de l’œuvre

œuvrer à l’œuvre

œuvrer avant l’œuvre

l’œuvre d’œuvrer

  .     l’euvre

ouvrer   .

comment œuvrer ? où œuvrer ? quand œuvrer ?

                comment ?              où ?                    quand ?

résidence        workshop       atelier

temps de vie temps de travail

temps   .    espace

espace de vie espace de travail .

vorwerk  .  vortex  .

temps de disponibilité   espace de

disponibilité pour l’œuvre

disponibilité à l’œuvre.

disponibilité afin d’œuvrer.

disponible afin d’œuvrer.

disponible pour chercher

recherche de disponibilité.

disponible pour qu’il se passe quelque chose

ne rien faire.

pour que quelque chose se fasse

pour que quelque chose se passe

disponible pour être poreux

disponibilité de la porosité

ne rien œuvrer mais laisser se passer

du       temps      .           et            .        de l’espace

du temps et de l’espace disponibles

recherche de lieux de recherche

recherche de recherche

recherche passive .

pour que l’œuvre arrive

l’œuvre d’avant l’œuvre

VORWERK   .

Juin 2014 - Lien du post