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01 · Cheminement – P-Quod http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage Pour l'instant, c'est provisoire. Thu, 16 Nov 2017 10:17:12 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.9.3 Planche – Dimension 01 – Cheminement http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=359 Mon, 02 Feb 2015 12:34:38 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=359 Planche_Cheminement

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L’inutilité de la pensée http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=759 Wed, 12 Jul 2017 10:04:29 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=759 « La réification qui a lieu dans l’écriture, la peinture, le modelage ou la composition est évidemment lié à la pensée qui l’a précédée, mais ce qui fait de la pensée une réalité, ce qui fabrique des objets de pensée, c’est le même ouvrage qui, grâce à l’instrument primordial des mains humaines, construit les autres objets durables de l’artifice humain… C’est toujours dans la « lettre morte » que « l’esprit vivant » doit survivre dans une mort dont on ne peut le sauver que si la lettre rentre en contact avec une vie qui veut la ressusciter… La pensée n’a ni fin ni but hors de soi ; elle ne produit même pas de résultats ; […] la pensée est « inutile » – aussi inutile en effet que les œuvres d’art qu’elle inspire. Et ces produits inutiles, la pensée ne peut même pas les revendiquer, car, de même que les grands systèmes philosophiques, ils peuvent à peine passer pour les résultats de la pensée pure à proprement parler, puisque c’est précisément le processus de la pensée que l’artiste ou le philosophe écrivain doivent interrompre et transformer pour la réification matérialisante de leur œuvre. »

Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne
(ramassé par François Delastre)

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La quête du ouapiti http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=755 Sat, 10 Jun 2017 09:51:02 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=755 – Mmmm… joli coup ! apprécia le sénateur.

La bille venait de s’envoler très haut et le sillage de fumée rousse qu’elle venait de tracer persistait dans le ciel. Wolf laissa retomber sa canne et ils reprirent leur marche.

– Oui, dit Wolf indifférent, je suis en progrès. Si je pouvais m’entraîner…

– Personne ne vous en empêche, dit le sénateur Dupont.

– De toute façon, répondit Wolf, il y aura toujours des gens qui joueront mieux que moi. Alors ? À quoi bon ?

– Ça ne fait rien, dit le sénateur. C’est un jeu.

– Justement, dit Wolf, puisque c’est un jeu, il faut être le premier. Sans ça, c’est idiot et c’est tout. Oh ! et puis ça fait quinze ans que je joue au plouk… tu penses comme ça m’excite encore…

La petite voiture brinquebalait derrière le sénateur et profita d’une légère déclivité pour venir lui cogner le derrière avec sournoiserie. Le sénateur se lamenta.

– Quel supplice ! gémit-il. J’aurai le cul pelé avant une heure !…

– Ne sois pas douillet comme ça, dit Wolf.

– Enfin, dit le sénateur, à mon âge ! C’est humiliant !

– Ça te fait du bien de te promener un peu, dit Wolf, je t’assure.

– Quel bien peut me faire une chose qui m’assomme ? dit le sénateur.

– Mais tout est assommant, dit Wolf, et on fait des choses quand même…

– Oh ! vous, dit le sénateur, sous prétexte que rien ne vous amuse, vous croyez que tout le monde est dégoûté de tout.

– Bon, dit Wolf, en ce moment, de quoi as-tu envie ?

– Et si on vous posait la même question, grommela le sénateur, vous seriez bien en peine de répondre, hein ?

Effectivement, Wolf ne répondit pas tout de suite. Il balançait sa canne et s’amusait à décapiter des tiges de pétoufle grimaçant qui croissaient çà et là sur le terrain à ploukir. De chaque tige coupée sortait un jet gluant de sève noire qui se gonflait en un petit ballon noir à monogramme d’or.

– Je ne serais pas en peine, dit Wolf. Je te dirais simplement que plus rien ne me fait envie.

– C’est nouveau, ricana le sénateur, et la machine ?

– Ça serait plutôt une solution désespérée, railla Wolf à son tour.

– Allons, dit le sénateur, vous n’avez pas tout essayé.

– C’est vrai, dit Wolf. Pas encore. Mais ça va venir. Il faut d’abord une vue claire des choses. Tout ça ne me dit pas de quoi tu as envie.

Le sénateur devenait grave.

– Vous ne vous moquerez pas de moi ? demanda-t-il.

Les coins de son museau étaient humides et frémissants.

– Absolument pas, dit Wolf. Si je savais que quelqu’un a vraiment envie de quelque chose, ça me remonterait le moral.

– Depuis que j’ai trois mois, dit le sénateur d’un ton confidentiel, je voudrais un ouapiti.

– Un ouapiti, répéta Wolf absent.

Et il reprit aussitôt :

– Un ouapiti !…

Le sénateur reprit courage. Sa voix s’affermit.

– Ça au moins, expliqua-t-il, c’est une envie précise et bien définie. Un ouapiti, c’est vert, ça a des piquants ronds et ça fait plop quand on le jette à l’eau. Enfin… pour moi… un ouapiti est comme ça.

– Et c’est ça que tu veux ?

– Oui, dit le sénateur fièrement. Et j’ai un but dans ma vie et je suis heureux comme ça. Je veux dire, je serais heureux sans cette saloperie de petite voiture.

Wolf fit quelques pas en reniflant et cessa de décapiter les pétoufles. Il s’arrêta.

– Bon, dit-il. Je vais t’enlever la voiture et on va aller chercher un ouapiti. Tu verras si ça change quoi que ce soit d’avoir ce qu’on veut.

Le sénateur s’arrêta et hennit de saisissement.

– Quoi ? dit-il. Vous feriez ça ?

– Je te le dis…

– Sans blague, haleta le sénateur. Faut pas donner un espoir comme ça à un vieux chien fatigué…

– Tu as la veine d’avoir envie de quelque chose, dit Wolf, je vais t’aider, c’est normal…

– Nom d’une pipe ! dit le sénateur, c’est ce qu’on appelle de la métaphysique amusante, dans le catéchisme.

Pour la seconde fois, Wolf se baissa et libéra le sénateur. Gardant une canne à ploukir, il laissa les autres dans la voiture. Personne n’y toucherait car le code moral du plouk est particulièrement sévère.

– En route, dit-il. Pour le ouapiti, il faut marcher courbés et vers l’est.

– Même en vous courbant, dit Dupont, vous serez encore plus grand que moi. Donc, je reste debout.

Ils partirent, humant le sol avec précaution. La brise agitait le ciel dont le ventre argenté et mouvant s’abaissait parfois à caresser les grandes ombelles bleues des cardavoines de mai, encore en fleur et dont l’odeur poivrée tremblait dans l’air tiède

[…]

Le sénateur Dupont allongeait le pas car Wolf marchait vite ; et si le sénateur avait quatre pattes, celles de Wolf étaient en nombre deux fois inférieur, mais chacune trois fois plus longue ; d’où la nécessité où se trouvait le sénateur de tirer la langue de temps en temps et de faire han ! han ! pour manifester sa fatigue.

Maintenant le sol était rocailleux et couvert d’une mousse dure pleine de petites fleurs comme des boules de cire parfumée. Des insectes volaient entre les tiges, éventrant les fleurs à coups de mandibules pour boire la liqueur de l’intérieur. Le sénateur n’arrêtait pas d’avaler de croquantes bestioles et sursautait chaque fois. Wolf allait à grandes enjambées, à la main sa canne à ploukir, et ses yeux scrutaient les alentours avec le soin qu’ils eussent apporté à déchiffrer Le Kalevala dans le texte. Il entremêlait ce qu’il voyait avec de choses déjà dans sa tête, cherchant à quel endroit la jolie figure de Lil se posait le mieux. Une ou deux fois même, il tenta d’incorporer au paysage l’effigie de Folavril, mais une honte à demi formulée lui fit éliminer ce montage. Faisant un effort, il réussit à se concentrer sur l’idée du ouapiti.

À des indices variés, tels que crottes en spirales et rubans de machine à écrire mal digérés, il reconnaissait d’ailleurs la proximité de l’animal et ordonna au sénateur, vivement ému, de garder son calme.

– On va en trouver un ? souffla Dupont.

– Naturellement, répondit Wolf tout bas. Et maintenant, pas de blagues. À plat ventre tous les deux.

Il se colla au sol et avança au ralenti. Le sénateur grommelait « ça me racle entre les cuisses » mais Wolf lui imposa le silence. À trois mètres, il aperçut brusquement ce qu’il cherchait : une grosse pierre aux trois quarts enterrée, percée en son sommet d’un petit trou carré parfait, qui s’ouvrait dans sa direction. Il l’atteignit, saisit sa canne et cogna trois coups sur la pierre.

– Au quatrième top, il sera exactement l’heure !… dit-il en imitant la voix du Monsieur.

Il donna le quatrième top. À la même seconde, le ouapiti affolé sortit du trou avec de grandes contorsions.

– Grâce, Monseigneur ! gémit-il. Je rendrai les diamants. Parole de gentilhomme !… Je n’ai rien fait !… Je vous l’assure…

L’œil luisant de convoitise du sénateur Dupont le regardait en se léchant les babines si l’on ose dire. Wolf s’assit et dévisagea le ouapiti.

– Je t’ai eu, dit-il. Il n’est que cinq heures et demie. Tu vas venir avec nous.

– Zut, zut et zut ! protesta le ouapiti. Ça ne va pas du tout. C’est pas du jeu.

– S’il avait été vingt heures douze, dit Wolf, et si nous nous étions trouvés là, tu étais fait de toute façon.

– Vous profitez de ce qu’un ancêtre a trahi, dit le ouapiti. C’est lâche. Vous savez bien que nous sommes d’une terrible susceptibilité horaire.

– Ce n’est pas une raison dont tu peux exciper, dit Wolf pour l’impressionner par un langage adéquat.

– Bon, je viens, dit le ouapiti. Mais gardez à distance cette brute à l’œil torve qui semble me vouloir meurtrir dans l’instant.

Les moustaches hirsutes du sénateur se mirent à pendre.

– Mais…, bredouilla-t-il. Je suis venu avec les meilleures intentions du monde…

– Que m’importe le monde ! dit le ouapiti.

– Tu feras des tartines ? demanda Wolf.

– Je suis votre prisonnier, Monsieur, dit le ouapiti et je m’en remets à votre bon vouloir.

– Parfait, dit Wolf. Serre la main du sénateur et arrive.

Très ému, le sénateur Dupont tendit en reniflant sa grosse patte au ouapiti.

– Puis-je monter sur le dos de Monsieur ? proposa le ouapiti en désignant le sénateur.

Ce dernier acquiesça et le ouapiti, très content, s’installa sur son dos. Wolf se remit en marche en sens inverse. Bouleversé, ravi, le sénateur le suivait. Enfin, son idéal se matérialisait… il s’était réalisé… Une sérénité onctueuse lui envahit l’âme et il ne sentait plus ses pieds.

Wolf marchait tristement.

[…]

Wolf se retrouvait à son bureau, prêtant l’oreille. Au-dessus de lui, il entendait les pas impatients de Lazuli dans sa chambre. Lil devait s’occuper de la maison, pas loin de là. Wolf se sentait cerné, il avait épuisé des tas de distractions en si peu de temps qu’il ne lui restait plus d’idées, rien qu’une grande lassitude, rien que la cage d’acier ; et l’issue de la tentative contre les souvenirs paraissait douteuse maintenant.

Il se leva, mal dans sa peau, chercha Lil de pièce en pièce. Elle était agenouillée devant la caisse du sénateur dans la cuisine. Elle le regardait et ses yeux nageaient dans les larmes.

– Qu’y a-t-il ? demanda Wolf.

Entre les pattes du sénateur, le ouapiti dormait ; le sénateur bavait, l’œil tertreux et chantait des bribes de chansons inarticulées.

– C’est le sénateur, dit Lil, et sa voix se cassa.

– Qu’est-ce qu’il a ? dit Wolf.

– Je ne sais pas, dit Lil. Il ne sait plus ce qu’il dit et il ne répond pas quand on lui parle.

– Mais il a l’air content, dit Wolf. Il chante.

– On dirait qu’il est gâteux, murmura Lil.

Le sénateur remua la queue et un semblant de compréhension éclaira ses yeux l’espace d’un éclair.

– Juste ! remarqua-t-il. Je suis gâteux et j’entends le rester.

Puis il se remit à sa musique atroce.

– Tout va bien, dit Wolf. Tu sais, il est vieux.

– Il avait l’air si content d’avoir un ouapiti, répondit Lil, pleine de pleurs.

– Être satisfait ou gâteux, dit Wolf, c’est bien pareil. Quand on n’a plus envie de rien, autant être gâteux.

– Oh ! dit Lil. Mon pauvre sénateur.

– Note bien, dit Wolf, qu’il y a deux façons de ne plus avoir envie de rien : avoir ce qu’on voulait ou être découragé parce qu’on ne l’a pas.

– Mais il ne va pas rester comme cela ! dit Lil.

– Il t’a dit que si, dit Wolf. C’est la béatitude. Lui, c’est parce qu’il a ce qu’il voulait. Je crois que dans les deux cas, ça finit par l’inconscience.

– Ça me tue, dit Lil.

Le sénateur fit un ultime effort.

– Écoutez, dit-il, je vais avoir une dernière lueur. Je suis content. Vous comprenez ? Moi, je n’ai plus besoin de comprendre. C’est du contentement intégral, c’est donc végétatif, et ce seront mes paroles finales. Je reprends contact… Je reviens aux sources… du moment que je suis vivant et que je ne désire plus rien, je n’ai plus besoin d’être intelligent. J’ajoute que j’aurais dû commencer par là.

Il se lécha le nez avec gourmandise et produisit un son incongru.

– Je fonctionne, dit-il. Le reste c’est de la rigolade. Et maintenant, je rentre dans le rang. Je vous aime bien, je continuerai peut-être à vous comprendre mais je ne dirai plus rien. J’ai mon ouapiti. Trouvez le vôtre.

Boris VIAN, L’herbe Rouge
(Ramassé par Guy Desaubliaux)

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La Nuit sera belle http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=751 Mon, 13 Mar 2017 14:00:15 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=751

La Nuit sera belle est la dernière cristallisation de cet échafaudage, qui s’est transformé en roman à part entière aux éditions Actes Sud. On y parle entre autres de pêche, de pages blanches, de quête, de mouettes ou de goélands, de monolithe, de poisson-lune, de cuisine et même de dragons. Il sort le 5 avril 2017.

Le mot de l’éditeur :
Arek, Ivan, Todd C. Douglas : trois amis, toute une nuit, dans un appartement en forme de pagode inversée. Demain, c’est sûr, ils partent enfin en expédition. Quelque part — la destination ne semble pas encore bien arrêtée. En attendant, ils boivent du thé, de la bière, du vin et du whisky mais chaque chose en son temps. Ils tentent d’échapper au but à tout prix. Ils font beaucoup plus que ce qu’ils croient et beaucoup moins que ce qu’ils disent. Mais qu’est-ce que « faire » ? Et qu’est-ce que l’oisiveté (à ne surtout pas confondre avec la paresse) ? Comment trouver le temps et l’espace pour faire sans produire, ou pour chercher sans faire ? Comment se fait-il que l’on ne puisse pas vivre sans que le travail devienne la vie ? Une recherche sans certitude de trouver, est-ce un travail ? Tels sont les thèmes abordés au fil d’une nuit de contagieuse ivresse dans ce premier roman aussi profond que jubilatoire.

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Middle Fork, Colorado http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=746 Tue, 06 Dec 2016 10:57:01 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=746 « Un mois après le vol des trophées, les Logan Brothers en étaient arrivés à la conclusion qu’on les avait déménagés quelque part mais que où ? ils n’en avaient pas la moindre idée et que c’était donc à eux qu’il revenait de se bouger s’ils voulaient les retrouver.

L’Amérique est un pays assez vaste, les trophées leur avaient paru fort petits : par comparaison.

Ils avaient aussi compris qu’il ne leur suffirait pas de traînasser en ville à attendre la suite d’évènements qui risquaient très bien de ne pas se produire ; pour commencer. Et puis, que ce n’était pas comme ça qu’ils pourraient remettre la main dessus.

Et que, de toute façon, ces trophées s’étaient volatilisés pour toujours.

Les Logan Brothers avaient commencé à dresser des plans pour quitter la ville. Parce que les Logan Brothers n’avaient aucune idée de l’endroit où ils allaient se rendre mais qu’il leur fallait aller quelque part s’ils voulaient avoir une chance de les trouver.

Et la veille du jour où ils avaient décidé de partir sans pour autant savoir où ils allaient se rendre, même que n’importe où n’était pas pire qu’autre chose pour commencer, quelqu’un les avait appelés au téléphone pour leur dire qu’à son avis, les trophées ne pouvaient pas être ailleurs qu’à Middle Fork, Colorado.

Le Logan Brother qui avait décroché lui avait aussitôt dit merci.

Sur quoi, ils avaient aussitôt déplié une carte pour voir où c’était, Middle Fork, Colorado. C’était à plus de quinze cents kilomètres de là : dans les Rocheuses. Ils avaient passé un bon bout de temps à contempler la carte en silence.

Jusqu’à ce que l’un d’eux déclare :

– C’est toujours un commencement. »

Richard Brautigan, Willard et ses trophées de bowling.
(ramassé grâce à Baptiste Fertillet).

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Le Flacon Bleu http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=745 Sun, 06 Nov 2016 10:50:29 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=745 « Beck était tombé par hasard sur la vieille jeep un mois plus tôt, avant que Craig se joigne à lui. Elle faisait partie des épaves de la Première Invasion industrielle de Mars qui s’était terminée lorsque la course aux étoiles s’était poursuivie. Il avait réparé le véhicule qui le menait de ville morte en ville morte, traversant les terres des oisifs et des hommes à tout faire, des rêveurs et des fainéants, d’hommes pris dans les remous de l’espace, des hommes comme lui-même et Craig qui n’avaient jamais voulu faire grand-chose et avaient trouvé Mars pour ce faire.

– Il y a cinq mille, dix mille ans, les Martiens ont fait le Flacon Bleu, dit Beck. Soufflé dans du verre martien — perdu et retrouvé, perdu et retrouvé, encore et encore.

Il regarda fixement le brouillard de chaleur qui faisait vaciller la ville morte. Toute ma vie, pensa Beck, je n’ai rien fait, et rien à l’intérieur de ce rien. D’autres, des hommes meilleurs, ont fait de grandes choses, sont allés sur Mercure, ou Vénus, ou au-delà du Système. Sauf moi. Pas moi. Mais le Flacon Bleu peut changer tout ça. »

« Beck termina sa pièce et s’apprêta à occuper la suivante. Il avait presque peur de continuer. Peur que cette fois il le trouve, que la quête finisse, et que sa vie n’ait plus de sens. C’est seulement après avoir entendu parler du Flacon Bleu par des voyageurs venant de Vénus, dix ans auparavant, que la vie avait commencé d’avoir un but. La fièvre s’était emparé de lui et le consumait depuis. S’il s’y prenait bien, la perspective de trouver le flacon pouvait emplir sa vie entière. Encore trente ans, s’il faisait attention à ne pas trop se hâter, de recherche, sans jamais s’avouer ouvertement que ce n’était pas du tout le flacon qui comptait, mais la quête, la course et la chasse, la poussière et les cités, et l’excitation. »

Ray Bradbury, « le flacon bleu », in Bien après minuit.

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Trilobinding http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=717 Wed, 01 Jun 2016 16:43:57 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=717 ledebut
calsuesmaisfinalementnon
preparation
atlasnemo
degrade
elastoc
titre
laluneetledoigt

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Amas, fixation & structions http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=734 Wed, 06 Apr 2016 07:47:39 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=734 « Mêlant écrits publics et écrits privés, l’acte de coucher sur le papier lui [Thomas Hirschhorn] permet de fixer ses propres questionnements sur l’art, ainsi que de répondre aux interrogations des acteurs de l’art, des institutions, des circonstances. La fixation ne pétrifie pas pour autant, elle marque au contraire les étapes d’un cheminement de pensée, le rythme de ses modifications. Elle est considérée comme dynamique. C’est, dit Thomas Hirschhorn, « à partir du moment où on est fixé qu’on peut créer une dynamique », et cela concerne autant la forme artistique que la forme textuelle. »

« Jean-Luc Nancy proposait dernièrement de contrevenir au rythme incessant des constructions/destructions/déconstructions et de considérer, en faveur d’une communue pensée, la ou les structions, c’est-à-dire ce qui est in-construit, sans architecture, en déplacement, disloqué. On supprime les préfixes. Ni « avec », ni « sans ». Renvoyant à son étymologie latine, la struction est de l’ordre de l’amas, du tas, de l’entassement, et suppose l’assemblage. La struction permet d’ouvrir un espace dans lequel la pensée peut tisser des trajets en dissolvant les antinomies constitutives. Un espace de tissage, mêlant les lignes de force et les lignes de fuite, qui renvoie au texte, dans son originarité de tissu, mettant en suspens les conventions et les choses sues, pour les réinterroger à la faveur de leur mise en relation dans l’espace réel. »

Introduction par Sally Bonn
à Une volonté de faire
de Thomas Hirschhorn

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L’ordre compliqué http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=689 Mon, 15 Feb 2016 09:59:37 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=689 Yona Friedman

 

« Nous observons, en général, des choses, mais ces choses ne sont rien d’autre que les stations d’un processus quelconque. Les choses sont des abstractions créées par notre mémoire, abstractions retenues de la séquence du processus. »

Yona Friedman
L’ordre Compliqué

(Ramassé grâce à Alix Desaubliaux)

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Nanopoussières http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=654 Sun, 08 Nov 2015 09:50:18 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=654 4

Man Ray,
Dust Breeding

« Évidence : les poussières tombent. Comme tout le reste. A la différence de tout le reste, les poussières tombent lentement. Très lentement on le sait et elles tombent d’autant plus lentement qu’elles sont plus petites. De taille micrométrique, soumises au hasard des collisions permanentes avec les molécules de l’air, elles errent longtemps avant que le poids par son action constante ne finisse par les projeter sur une table, un livre, le sol. Une projection de l’espace à trois dimensions sur une surface à deux dimensions après une marche erratique dans l’air. Immédiatement de la physique statistique avec notamment un modèle célèbre connu sous le nom de marche de l’ivrogne (ou marche aléatoire…). »

Lire l’article : Les poussières : des nanos à l’inframince de Marcel Duchamp

(ramassé par Nicole Caligaris)

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Le Héron sur le Post-it http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=669 Sat, 10 Oct 2015 10:09:57 +0000 http://luciedesaubliaux.fr/echafaudage/?p=669 J’ai un héron sur le mur.
Son nom est rouge
sur le jaune moche d’un Post-it.
 
Au-dessus du bureau,
ils sont pleins, les Post-it.
Mosaïque de carrés jaunes
sur fond blanc.
 
Format idéal  ̶  10 x 10.
Pas le temps d’être trop long.
Important : ne pas s’étaler.
Sur le Post-it, on filtre les mots.
Ne restent que ceux juste assez entrebâillés
pour ne pas laisser entrer n’importe quoi.
Les phrases sont trop dangereuses.
 
Le mur répertorie les pensées.
Grand garde-manger.
On y voit tous les ingrédients en même temps.
Les Post-it se connectent et les recettes apparaissent.
Petit à petit.
 
Boîte à outils.
Les petits rouages des lettres s’emboîtent.
Leurs mécaniques meublent l’espace blanc.
Celui qui noue la gorge quand on y perd les yeux.
Quand il y a quelque chose à faire
mais que les doigts collent
ou que la paresse est de trop bonne humeur
ce jour-là.
 
J’ai un héron sur le mur.
Tout seul.
Pas d’emplacement dans le puzzle.
Les dents de son engrenage n’accrochent pas.
Il hypnotise en roue libre,
sa révolution ne mène à rien.
Je l’ai collé sur le mur
pour qu’il arrête de me coller à la pensée.
Ça n’a fait que déplacer le problème.
Mais maintenant,
il me regarde dans les yeux.
J’ai un héron sur le mur,
il parasite le reste.
Il fait son intéressant
de toute sa hauteur d’échassier.
Il sait, lui, pourquoi il est ici.
Il connaît le secret,
il voit la chaîne de pensées à venir.
Le chemin vers lui
qui n’existe pas encore.
 
Arrivé en avance.
Il a grillé son tour.
Il n’était pas écrit
dans le plan de départ.
Il pourrait tout détraquer.
Ouvrir un autre chemin,
bien plus loin que prévu.
On ne sait jamais jusqu’où volent les hérons.
 
J’ai un héron sur le mur,
il ne bouge pas plus qu’un vrai.
Planté là.
Dans les champs aussi
Les hérons ont toujours l’air empaillés.
Ils font semblant de ne pas exister.
Guettent d’un air de rien,
depuis tout le dédain de leur tranquillité.
Gris clair sur cours d’eau boueux,
le héron se prend
pour un pli du paysage.
Pas plus épais qu’une parenthèse.
Ne ressort que le cure-dent de son bec.
Ne bouge pas.
Pas même d’un frémissement
de brise trop fraîche
sous le duvet.
 
Et soudain,
il se tend,
claque le cou,
projette la tête,
plonge,
plonge le bec,
 
 
il éperonne le poisson.
 
Sur mon mur,
le héron chuchote.
Utilise ton bec,
il me dit le héron.
Fais la flèche.
Pique, pique,
il me dit.
Observe  ̶  et attends.
Laisse approcher
la pensée.
Fais-toi oublier.
Les mots doivent être ferrés
frais et vifs.
J’ai un héron sur le mur.
Il se fout de moi,
trop émoussée.
Je n’attrape rien.
Du héron,
je n’ai pêché que le stoïcisme.
 
Mon stoïcisme à moi
est d’une autre espèce,
aux racines bovines.
Il regarde passer les idées
comme la vache suit du regard
les trains.
J’ai un héron sur le mur,
depuis maintenant des mois.
 
Je le contemple en ruminant béatement
quelques touffes de Post-it
digérées et régurgitées
au moins trois estomacs de cela.

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